A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
L'aventure commence il y a 30 ans, en 1989... les 21, 22 et 23 septembre.
A l'initiative de la Ville d'Enghien et de son service "Animations" est organisée la première grande fresque historique d'Enghien.
Diane Quevauvillers en sera le metteur en scène. Le tout sur un texte et une idée originale de Roger François. Tous les participants sont Enghiennois.
Mais entrons dans le vif du sujet.
Le spectacle commence Grand Place, au balcon de l'Hôtel de Ville.
Le bouffon et l'enfant au tambour
N.B. La suite du film est reprise en fin d'article.
Scène I : 1630 - Réception chez l’avocat Rebz
Cour arrière de la Maison Jonathas
Participants :
Groupe musical de 6 personnes - Famille Rebz : 3 personnes (âge 60 ans) - Anne de Croy et suite de 5 personnes (âge 71 ans).
Figurants : 1 maître de cérémonie et 3 valets.
Matériel :
Instruments de musique : clavecin, basse, luth, violon - Table décorée - Luminaires, candélabres - 2 micros-cravate - Estrades
Scène :
D’une part, un orchestre de chambre :
D’autre part, Anne de Croy et quelques autres invités, assis autour d’une table couverte d’un tapis, carafe, verres de vin, corbeille de fruits,…
Présentation :
Nous sommes en 1630 dans les jardins de ce que les Enghiennois appellent la « Maison de Jonathas ». Cet immeuble, ancien donjon des sires d’Enghien, assiégé et démantelé en 1194 par le Comte de Hainaut, a été magnifiquement restauré il y a quelques décades. L’actuel propriétaire en est l’avocat Jacques Rebz, qui a consacré la plus grande partie de sa carrière à être conseiller des nouveaux seigneurs d’Enghien, Charles d’Arenberg et Anne de Croy, et régisseur de leurs domaines. Charles d’Arenberg est décédé depuis quatorze ans mais sa veuve Anne de Croy, a hardiment poursuivi son œuvre. De l’église Saint-Nicolas à la rue des Orphelins en passant par la Maison Saint-Augustin, le couvent des Sœurs Clarisses et celui des Capucins, sans parler du Béguinage et de bien d’autres choses, la bonne ville d’Enghien en porte largement le témoignage. C’est elle, Anne de Croy, que Jacques Rebz a invitée chez lui. Femme de haute culture, la duchesse s’intéresse à tous les arts et c’est à une soirée musicale que, ce soir, elle est conviée.
Dialogue :
Jacques Rebz (à Anne de Croy) :
« Son Altesse Sérénissime honore grandement ma maison en étant parmi nous ce soir. Qu’elle soit assurée de notre profonde gratitude.
Chacun sait son goût pour la musique. J’ai réuni pour son plaisir un groupe de brillants artistes ; ils joueront du clavecin, du luth et de ces deux instruments que l’Italie musicienne vient d’inventer, la théorbe et la basse continue.
(à la chanteuse – donc mouvement de Jacques Rebz pour bien montrer qu’il change d’interlocutrice) Interprétez-nous donc, Madame, quelques-uns de ces chants où votre art de la voix va s’harmoniser avec le talent des musiciens pour le plus grand ravissement de nos oreilles. »
(Musique)
Scène II : 1692 - Steenkerque, bataille sanglante - Monastère des Clarisses
Rue Montgomery, rue des Augustins, façade des Clarisses.
Participants :
Religieuses : 4 - Blessés : 8 à 10 - Ambulanciers – infirmières : 6 - Soldats : 2 - Colonel : 1
Matériel : Brancards - paille - chariot - cheval - 2 micro-cravate
Présentation :
Pendant de longs siècles, la Belgique a été le champ de bataille de l’Europe. L’historien français Jules Michelet a écrit, non sans quelque emphase romantique : « Voilà pourquoi elles sont si fertiles, ces plaines : le sang n’a pas le temps d’y sécher ».
Enghien a vu passer bien des armées, dans l’exultation de la victoire comme dans l’extrême misère de la déroute. Avant le passage des débris de la Grande Armée en 1814, des troupes françaises, anglaises, prussiennes et autres avant comme après la bataille de Waterloo en 1815 ; avant les milliers de prisonniers, de réfugiés et de blessés des deux dernières guerres, il y eu notamment Steenkerque, en 1692. Ce fut une bataille extrêmement sanglante : plus de dix mille morts et d’innombrables blessés. Beaucoup furent amenés ici-même, dans cette maison qui était l’hôpital Saint-Nicolas et qui avait déjà les façades que nous voyons maintenant.
(Balayages des projecteurs sur les façades)
La population d’Enghien s’est toujours particulièrement distinguée par son dévouement et sa générosité à soulager les souffrances des uns et des autres, amis ou ennemis. Les Sœurs hospitalières de Saint-Nicolas s’empressent autour des éclopés de tous genres.
(Spots sur les sœurs qui soignent les blessés sur leurs brancards – arrivée d’un chariot, dont le conducteur crie :)
« Au secours ! Au secours ! Place à mon Colonel ! Place à mon Colonel gravement blessé ! A l’aide ! Vite ! Vite ! »
(Une religieuse accourt avec deux aidantes ; elle va examiner le blessé par l’arrière du chariot, qui s’est arrêté. Elle s’écrie :)
« Mon Dieu, mon Dieu, vous arrivez trop tard… Mon Dieu, il est tout jeune ! Qui est-ce ? »
(Le conducteur du chariot tire son chapeau et salue en répondant :)
« Monseigneur le Marquis de Bellefont, Grand Ecuyer de Madame la Dauphine, capitaine des châteaux, parcs et chasses de Vincennes, colonel du Régiment Royal Comtois. Il avait 29 ans. Dieu ait son âme en sa sainte garde ! »
Scène III : 1810 - Un Stéveniste arrêté, le Père Saublun - Maison Saint-Augustin
Cour intérieure de la Maison Saint-Augustin
Participants : Père Saublun (+ou- 40 ans) -3 gendarmes - 1 officier
Matériel :
Table et chaises - vaisselle, bougeoir, bougies -armes - 2 micros - podium
Présentation :
Ici est né en 1254, le premier monastère des Ermites de Saint-Augustin dans nos Provinces. Les Augustins étaient des moines contemplatifs ; l’un d’entre eux au moins est connu de tout le monde, c’est Martin Luther. Après plusieurs très graves incendies, la Maison où nous sommes a été magnifiquement reconstruite en 1614, pratiquement dans l’état où nous la voyons maintenant.
Quelques années plus tard, en 1623, la duchesse Anne de Croy réussit, non sans peine, à reconvertir ce monastère contemplatif en un collège d’humanités gréco-latines ; de là l’actuel et toujours vivant Collège Saint-Augustin. Un siècle et demi passe sans trop gros incidents, puis c’est la Révolution Française, qui va peser lourd sur Enghien et notamment ici : comme le couvent des Carmes et celui des Capucins et encore celui des Dames Conceptionnistes, le Monastère des Augustins est supprimé en 1797. Nos moines sont des gens qui savent ce qu’ils veulent : rejetant la constitution civile du clergé et le serment de haine à la royauté, ils sont chassés d’ici en 1798 ; leurs bâtiments sont vendus comme biens nationaux et acquis par la commune en 1800. Deux ans plus tard, le préfet du Département veut réorganiser l’enseignement : il est bien obligé de faire revenir les religieux, qui sont les seuls professeurs disponibles.
Entretemps, d’ailleurs, le Concordat signé en 1801 entre le Pape et Napoléon semblait avoir réconcilié l’Eglise et l’Etat. Mais l’Empereur ne joue pas le jeu et ajoute impérativement au Concordat des tas de règlements non négociés ni approuvés par le Pape, les fameux « Articles organiques ». Le clergé belge, pour une très large part, rejette le coup de force et entre dans la résistance : c’est le mouvement des Stévénistes. Des milliers de prêtres et de religieux seront pourchassés ; il y aura de véritables batailles rangées, des paroissiens marchant contre les Français avec leur curé à leur tête, tout cela en particulier dans le triangle Enghien-Halle-Ninove. Il s’ensuivit de nombreuses arrestations ; le curé de Pepingen tout près d’ici, par exemple, mourra au bagne de Cayenne. Les Augustins d’Enghien sont tous Stévénistes ; l’un d’entre eux, le Père Saublun, vient d’être averti de son arrestation. Il est minuit. Il a demandé un dernier repas, pour prendre des forces avant d’être emmené. Au réfectoire, en attendant les événements, il prie.
(Arrivée des gendarmes)
L'officier :
« Le Père Saublun, c’est vous ? »
Le Père :
« C’est moi. Vous venez… »
L'officier :
« Au nom de la loi, je vous arrête. Veuillez nous suivre séance tenante. »
Le Père :
« Vous le voyez, j’étais averti ; en pleine nuit, je suis prêt à vous suivre, et je sais ce qui m’attend… »
L'officier :
« Eh bien alors, suivez-nous sans autre parole inutile ! »
Le Père :
Messieurs, Messieurs, un peu de patience ! Vous devez avoir, comme moi, le ventre creux ; la nuit sera encore longue avant votre déjeuner. Permettez-moi un dernier repas, dans cette maison qui m’est si chère et que je ne reverrai sans doute jamais. La table est prête. Pourquoi ne pas manger avec moi ? A table, Messieurs, et bon appétit !?
L'officier criant :
« Assez, curé ! Vous en avez un, de bagout ! Assez parlé pour ne rien dire ! Allons, en route ! Marchez donc ! »
Deux gendarmes le saisissent chacun par un bras et l’emmènent.
Scène IV : 1820 - Dentelles - « Maisons des pauvres » rue du Béguinage
Participants : 6 dentellières - Mme Godefroy
Matériel : 6 coussins de dentellières - décoration intérieure
Présentation :
Les béguinages sont nés dans notre pays et celui d’Enghien a été un des premiers puisqu’il a été créé vers 1255. Il n’en reste, hélas ! que de rares vestiges que nous avons présentement sous les yeux. Une activité très importante s’est développée ici dès la fin du XVIIe siècle, celle de la dentelle. On a produit d’abord la dentelle blanche ordinaire, au point de Lille et au point de Paris. Mais ce qui a porté loin la célébrité de notre ville, c’est la dentelle noire, dans la tradition de Chantilly. Elle a été largement connue dans toute l’Europe. Son âge d’or se situe entre les années 1720 et 1840.
A cette époque, en effet, la dentelle fait partie du costume, au moins dans l’aristocratie. Les tableaux d’alors montrent maints beaux seigneurs avec des flots de dentelles s’échappant du jabot et des manches et davantage encore les belles dames toutes festonnées de mantilles, coiffes, cols et collerettes, brides et manchettes à deux ou trois rangs. Voici le voile de la mariée ou la robe de baptême du nouveau-né. Elle donnait de l’ouvrage à beaucoup de monde. C’est ainsi qu’en 1775 quelque 350 dentellières s’affairaient ici à la production.
Une des principales négociantes fut une certaine Madame Godefroy. La voici. Nous sommes en 1820. Elle suit de près le travail de ses ouvrières car elle ne peut accepter que la plus haute qualité ; sa réputation n’est-elle pas en jeu ? Madame Godefroy remportera d’ailleurs de grands succès aux expositions internationales de Tournai en 1824, d’Harlem en 1825, de Bruxelles en 1835 et encore bien d’autres.
Scène V : 1810 - L’horticulture enghiennoise au zénith
Porche d’entrée de l’Athénée, rue Montgomery
Participants : Joseph Parmentier (25 ans) et 3 amis
Matériel : plantes – fleurs – ananas – panier
Présentation :
La noble lignée des Arenberg, installée à Enghien en 1606, va créer dans son nouveau domaine ce qui est le luxe aristocratique par excellence, un parc de plaisance. Il s’agit de marier la beauté de la nature – qu’on pense à une forêt de chênes et de hêtres en automne et l’invention de l’artiste – qu’on pense aux sept drèves qui rayonnent à partir du Pavillon de l’Etoile, au centre du parc d’Enghien. Celui-ci, avec ses arbres superbes, ses plans d’eau et ses jardins à la française, a su faire éclore bien des vocations de jardiniers et d’horticulteurs.
Justement, le passage à Enghien des armées de la République a causé de terribles ravages. Le relatif apaisement dû à la naissance de l’Empire va permettre de commencer à réparer les dégâts. Tout Enghien travaille d’arrache-pied. Les Français ont enlevé du Parc des milliers d’arbres. Qu’à cela ne tienne ! Le Duc Louis-Engelbert d’Arenberg en replante en veux-tu, en voilà ! Le couvent des Capucins a été démoli ? On le remplace par des jardins ! Le couvent des Dames Conceptionnistes a été abattu ? Joseph Parmentier construit ailleurs dans leur domaine son hôtel particulier, futur hôtel des barons Daminet, avant de devenir Ecole Moyenne et puis Athénée Royal.
C’est ici donc que Monsieur le maire Parmentier va donner libre cours à sa passion horticole : il crée un jardin botanique de plus de trois hectares, avec des serres très importantes, où il cultive plus de 5.000 espèces de plantes exotiques et indigènes. Arbres de toutes essences, buissons et arbustes d’innombrables variétés, fleurs de tous coloris à profusion vont constituer ici l’un des plus beaux jardins qu’on puisse rêver. Il y a, par exemple, ici, plus de 200 variétés de camélias, 360 variétés de cactus, des palmiers par dizaines et une exceptionnelle collection d’orchidées. Joseph Parmentier va devenir l’un des premiers horticulteurs de son temps. De nombreux visiteurs admiratifs, parmi lesquels d’illustres personnages, tiendront à venir le féliciter de son extraordinaire savoir-faire.
(Arrivée de quelques visiteurs)
Voyez-le qui leur offre un panier de … Vous ne devinerez jamais !
Joseph Parmentier :
« Ce sont des ananas, ce fruit délicieux qui nous est venu depuis 75 ans de l’Amérique Tropicale. J’en ai deux mille plants répartis dans plusieurs serres bien chauffées. C’est une de mes plus belles réussites ! Venez donc y jeter un coup d’œil ! Vous allez voir, c’est merveilleux, c’est le retour au Paradis Terrestre ! »
Scène VI : Aujourd’hui - Les joyeux Confrères de Saint Arnould
Entrée de l’ancienne brasserie Delhaye, rue de Nazareth
Participants : les brasseurs (nombre indéterminé)
Matériel : table - matériel brasserie (tonneaux, brocs)
Présentation :
Une douzaine de joyeux compères, attablés devant des chopes, entonnent le refrain :
« A plein verre, mes bons amis ».
Ils sont accompagnés par une petite fanfare. (cfr. J. Renard, « Chansonnier des jeunes », 6e édit., p.73)
Le 1er brasseur, muni d’un fourquet, se détache du groupe et dit :
« Une tradition belge certes bien vivante, la brasserie ! La rue de Nazareth évoque la mémoire des vénérables Sœurs Grises qu’on appelait aussi les Sœurs de Nazareth. Mais la rue de Nazareth, c’est surtout la rue des Brasseurs. Au moins quatre grosses maisons ici sont d’anciennes brasseries, sises sur les rives autrefois poétiques et enchanteresses de l’Odru, rivière qu’on a maintenant dû voûter pour dissimuler à jamais la honte de la pollution. – Mais il n’y a jamais eu de honte à boire un bon verre… ».
Fanfare, refrain, 1er couplet et refrain de « A plein verre, mes bons amis ».
1er brasseur :
« Les brasseurs d’Enghien ont joué dès le XIVe siècle un rôle très important dans l’économie de la ville. Les brasseries étaient nombreuses et prospères. Elles ont dès leurs débuts fortement contribué à remplir non seulement les chopes, mais les caisses de la ville ; il n’a jamais échappé à l’œil perspicace des autorités communales que quand la bière coule à flots, les taxes évitent aux finances d’être à sec. Vider chopine, c’est donc accomplir un devoir civique. A la bonne santé du Trésor communal ! »
Fanfare, refrain, 2e couplet, refrain de « A plein verre, mes bons amis » par tout le groupe.
Arrivent quatre dignitaires de la Confrérie de la Double, costumés comme le 1er brasseur et portant aussi le fourquet : ils sont précédés par un tambour.
Coup de grosse caisse et cymbale – silence.
1er brasseur :
« Monsieur, salut et grande soif aux vénérables dignitaires de la Confrérie de la Double ! (acclamations) Mesdames et Messieurs, joyeux Enghiennois et autres soiffards, apôtres de la bonne humeur et amis de la Double (acclamations), nous allons introniser en grande pompe (acclamations) … un nouveau membre dans notre noble confrérie (acclamations). Qui est le parrain du candidat ? – Qu’il s’avance ! »
2e brasseur (un des dignitaires) :
« Moi, Jules Vincart, dans la tradition des authentiques brasseurs enghiennois, Decroes, Delhaye, Denys, Rigaux, Tennstedt et autres, je propose à notre honorable confrérie d’accueillir en son sein un nouveau confrère, Joseph Colambier ; il mérite d’être des nôtres en raison de la haute qualité de sa bière ; nous le connaissons bien, d’ailleurs, et nous savons qu’il sera pour nous un gai compagnon. (acclamations) »
1er brasseur :
« Joseph Colambier, acceptez-vous de respecter les règles de notre confrérie, à savoir la défense et la promotion de notre bière ? »
Colambier : « Je promets ! » (acclamations)
1er brasseur :
« Acceptez-vous de continuer à brasser cet illustrissime breuvage dans la tradition de la haute qualité enghiennoise ? »
Colambier : « Je promets ! »(acclamations)
1er brasseur :
« Puisqu’il en est ainsi (il lui pose son fourquet sur les épaules), je vous fais membre de notre confrérie » (Il lui passe le ruban avec la médaille autour du cou, l’embrasse et l’invite à déguster une chope, sous les acclamations générales). »
Fanfare, refrain, 3e couplet de « A plein verre... », refrain, fanfare.
Scène VII : 1617 - Les d’Arenberg – Des Mécènes !
Couvent des Pères Capucins, rue des Capucins, rue de l'Yser
Participants : 4 ou 5 Pères Capucins - Anne de Croy et suite de 10 personnes (âge 58 ans) - Chorale
Matériel : estrade – clé – 2 micros
Présentation :
En 1607, Charles, prince comte d’Arenberg, et son épouse, Anne, duchesse de Croy et d’Aarschot, sont investis Seigneurs d’Enghien. La ville commence dès lors à bénéficier du mécénat des d’Arenberg, mécénat dont la générosité ne se démentira jamais. Nous ne parlerons même pas du par cet des splendeurs qu’il renferme.
Nous nous en tenons aux souvenirs laissés ici par la première d’Arenberg à avoir été dame d’Enghien, la duchesse Anne de Croy.
C’est la chapelle du Rosaire à l’église Saint-Nicolas. C’est le tableau de Notre-Dame de Messines, toujours à l’église Saint-Nicolas. C’est la chapelle Saint-Augustin et celle des Sœurs Clarisses, toutes deux rue des Augustins. Citerons-nous aussi le refuge des enfants abandonnés, rue des Orphelins ? Tout cela, et bien d’autres choses encore, c’est l’œuvre d’Anne de Croy. Mais où le mécénat des d’Arenberg apparaît d’une manière particulièrement éclatante, c’est ici, dans cette vénérable maison. La noble famille décide de se créer un tombeau ; ce tombeau serait la crypte d’une église ; cette église serait desservie par des religieux. Ainsi commence chez nous une implantation chère de longue date au cœur des Enghiennois, celle des Pères Capucins, religieux populaires s’il en est.
Dès 1615 s’activeront ici les différents corps de métiers et plusieurs artistes. Six mois plus tard il faudra déjà aménager une première sépulture, celle de Charles d’Arenberg, décédé en 1616. Mais Anne de Croy reprendra le flambeau et mènera les choses à bon terme. En 1617, tout est prêt. Les capucins vont pouvoir commencer leur apostolat et s’installer, comme des pauvres qu’ils veulent rester, dans cette maison dont ils ne recevront la propriété que beaucoup plus tard, en 1932. Entretemps d’ailleurs les d’Arenberg auront largement confirmé leur générosité, puisqu’au siècle dernier ils auront reconstruit en l’agrandissant le couvent que la Révolution Française avait cru bon de démolir. Mais revenons à ce beau jour de 1617.
La duchesse Anne de Croy confère aux capucins la jouissance du couvent par la remise des clés fixées sur un coussin :
Anne de Croy :
« Père Gardien, voici donc les clés de votre couvent. »
Père Gardien :
« Je les touche, Excellence, avec toute ma gratitude et celle de l’ordre des Frères Mineurs Capucins, mais je les remets à votre Excellence, car pauvres nous sommes et pauvres nous voulons rester. »
Anne de Croy :
« Je les reprends, Père Gardien, cat il est bien entendu que la Maison d’Arenberg reste ici le propriétaire. Mais je vous les rends, en vous priant d’accepter la jouissance de ce modeste domaine. »
Scène VIII : 1814 - Cosaqueries
Parc - Cour des Acacias
Participants : 30 personnes
Matériel : armes – 3 feux – marmites – chevaux
Présentation :
Les Enghiennois, comme les autres belges, ont en général très mal ressenti l’occupation française. L’arrestation du Père Saublun, à laquelle nous assistions tout à l’heure, n’était d’ailleurs qu’un infime échantillon de la répression qui s’était abattue sur nos provinces. Mais un espoir s’est levé : le colosse napoléonien est ébranlé. Il y a eu 1812 : l’Aigle, à la poursuite du tsar de toutes les Russies, a été pris au piège de l’hiver russe ; la retraite de la Grande Armée depuis Moscou a été une tragédie. Il y a eu octobre 1813 et la bataille des Nations près de Leipzig : Napoléon a reconstitué à la hâte l’armée française, mais elle a été battue à plate couture. Les Cosaques avaient férocement harcelé l’Armée Impériale en Russie ; ils lui portent à nouveau des coups extrêmement sévères.
Nous sommes maintenant en février 1814. Le tsar et ses alliés continuent à talonner les restes de la Grande Armée dont l’arrière-garde, commandée par le Général Maison, vient de passer ici à vive allure ; demain va commencer la campagne de France, où Napoléon va jeter, mais en vain, les derniers feux de son génie tactique. Dans trois semaines les Russes seront à Paris et camperont sur les Champs Elysées ; Napoléon va abdiquer et être relégué à l’île d’Elbe.
En attendant, les Cosaques sont ici, au bivouac, avant de reprendre la poursuite dès demain matin. Guerriers sauvages accourus du fond de leurs steppes, guerriers empêchés par la nuit d’en découdre avec l’ennemi en fuite, guerriers sales, puants et couverts de vermine, ils en mettent plein la vue aux rares Enghiennois qui osent risquer un œil sur le tableau. En voici qui alimentent le feu de leur camp. En voici qui préparent la soupe. En voici qui apportent la viande et les autres nourritures pillées sur place. En voici qui chantent la victoire et qui la fêtent à grand renfort de danses, de vodka et de schnaps. En voici qui entravent les chevaux pour la nuit. Bientôt, écrasés de fatigue, de mangeaille et de beuveries, ils vont faire entendre le concert de leurs ronflements sonores. Et les Enghiennois – ouf ! – commenceront enfin à respirer…
Scène IX : 1761 - Réception au Château d’Enghien
Terrasse arrière du château Empain
Participants :
Le duc Charles-Marie-Raymond d’Arenberg (40 ans)
La comtesse Louise-Marguerite de la Marcq, son épouse (31 ans)
Le prince Charles de Lorraine (49 ans)
Suite des d’Arenberg
Suite du Gouverneur Général
Valets : 10
Ballet
Orchestre
Personnel de pied (carrosse) : 4
Pages : 4
Matériel : Sièges - Carrosse - Matériel audio-visuel (écran, dias)
Présentation :
Depuis près d’un demi-siècle, les Provinces belges font partie de l’empire autrichien. L’impératrice Marie-Thérèse les gouverne depuis Vienne mais elle a délégué à Bruxelles un de ses proches parents, son beau-frère le prince Charles de Lorraine. Il sera gouverneur général pendant trente-six ans, de 1744 à 1780 ; Bruxelles lui doit une part très importante de l’aménagement du haut de la ville. Les ministres plénipotentiaires de Marie-Thérèse réorganisent l’administration de notre pays en la centralisant et y opèrent un appréciable redressement économique.
Charles de Lorraine, lui, est un bon vivant, convaincu que la vie est belle et qu’il faut en profiter. Il mène bon train une vie de cour que le prince Charles-Joseph de Ligne évoquera dans sa vieillesse comme « jolie, gaie, sûre, agréable, polissonne, savante, déjeunante et chassante ».
Dans le cadre des parcs de Mariemont, de Tervuren, de Beloeil… ou d’Enghien, ou encore dans les beaux salons Louis XV ornés de lustres en cristal, de pendules à rocailles et de glaces, on vit évoluer une société pimpante, vêtue à la dernière mode de Paris : gentilhommes à perruque poudrée, frac brodé et jabot de dentelle, belles dames au corsage en pointe , décolleté en carré, grand panier à falbalas, coiffure poudrée échafaudée en énormes montages.
En ce jour de juillet 1761, le gouverneur général est venu à Enghien. Il honore de sa visite le duc Charles-Marie d’Arenberg. Les deux personnages sont d’ailleurs presque voisins à Bruxelles où le palais d’Arenberg -appelé à tort Palais d’Egmont- est tout proche de celui de Charles de Lorraine. Mais le duc Charles-Marie d’Arenberg est rentré depuis seulement quelques semaines d’une longue absence ; pendant cinq ans il a figuré parmi les chefs de l’armée autrichienne ; au cours de la Guerre de Sept Ans, il a joué un rôle important dans différentes batailles en Bohême, en Saxe et autres lieux. Promu grand-croix de l’ordre de Marie-Thérèse, bien lui en prit de porter ses décorations sur sa tenue de combat ; en effet, à la terrible bataille de Torgau, le 3 novembre 1760, une balle l’a frappé en pleine poitrine ; elle lui aurait passé au travers du corps si sa Toison d’Or n’avait fait bouclier ; il était cependant assez grièvement blessé pour être obligé de quitter l’armée et de retourner à petites étapes dans sa bonne ville d’Enghien. Bon vivant lui aussi, féru d’une brillante vie de cour, plein de projets d’embellissement de son domaine enghiennois, il a tout pour plaire à son hôte.
(Musique – Eclairage sur la terrasse arrière du château – Première figure du ballet)
Nous nous trouvons ici à l’emplacement exact de l’Orangerie dont le duc Léopold-Philippe d’Arenberg avait achevé la réalisation en 1751. Depuis cette année-là se pressent ici par centaines orangers, citronniers, lauriers, palmiers et variétés florales les plus diverses, toutes plantes qui ne s’épanouissent qu’à l’abri et dans la chaleur. Dans ce décor de rêve, les châtelains offrent ce soir un concert à leur visiteur.
(Vivaldi : « Le Printemps », 1er mouvement).
Charles de Lorraine et sa suite ont été fructueusement reçus au château (projection de photos du parc). Au passage, ils ont pu admirer la Porte des Esclaves et s’arrêter devant les écuries dont on n’a pas manqué de leur faire observer la superbe perspective (photos). Ils ont été conviés à prendre une collation et des rafraîchissements au bord du Miroir, qu’on appelait alors l’étang de la Motte. Le duc et la duchesse d’Arenberg ont alors promené leurs visiteurs dans les jardins à la française (Pavillons et Sanglier) jusqu’au Grand Canal. Le duc a ensuite fait monter le gouverneur général dans un carrosse pour lui faire admirer le Temple d’Hercule (que les Enghiennois appellent « Les Sept Etoiles », ainsi que la Montagne des Muses, le Mont Parnasse. Le carrosse ramène enfin le duc et son visiteur à l’Orangerie, où les attendent la duchesse et la suite de Charles de Lorraine.
(Arrivée du carrosse. Sur la terrasse, retrouvailles avec mimiques admiratives et émerveillées ; 2e figure de ballet, puis tout le monde entre pour le concert ; musique et lumières s’éteignent doucement).
LES COULISSES
Scène X : Enghien, Terre d’Europe - Pelouse du Sud de la Chapelle Castrale
Etang du Miroir
Participants : + ou – 100 figurants
Matériel :
Matériel suivant chaque scène - Drapeaux européens - Barque ancienne - Blasons d'Enghien et d'Enghien-les-Bains - Chevaux
Présentation :
Enghien est une ville toute petite, sans aucun doute. Est-elle sans importance ? A chacun d’en juger. Elle a en tout cas de tout temps été mêlée de près à la vie de l’Europe. Elle appartient à ce petit coin de terre où est née, au Moyen Age, la civilisation occidentale, un petit coin de terre unissant Champagne et Flandre avec un bout de Hainaut, les grandes foires de Reims, Laon, Troyes, Chalons, d’une part, les cités incroyablement animées de Gand, Bruges, Ypres, Courtrai, Audenaarde… activité économique intense produisant la richesse, mécénat généreux faisant proliférer les artistes, compétitions de tous ordres faisant résonner le bruit des armes.
(Trompettes)
A qui appartiendrons-nous ? Au duc de Brabant ou au comte de Hainaut ?
(Deux cavaliers entourés d’hommes d’armes : simulacre de combat).
Eh bien, ce sera le Hainaut ! (passage du comte et de la comtesse avec leur suite)
(Trompettes)
Les siècles passent. Nos provinces, unies cette fois à la Bourgogne et à la Franche-Comté, sont devenues la plus prestigieuse principauté de l’époque ; Philippe le Bon instaure à Bruges l’Ordre de la Toison d’Or ; son fils, Charles le Téméraire, Grand-Duc d’Occident, est venu ici même dans tout l’éclat de sa richesse et de sa puissance.
(Passage de Charles le Téméraire, en Grand Maître de la Toison d’Or)
(Trompettes)
L’incessant fracas des batailles met fréquemment le pays à feu et à sang, faisant passer chez nous maints illustres guerriers. En 1557, Philippe II est en guerre avec le roi de France Henry II ; il fait conduire au château le connétable de France, Anne de Montmorency, blessé et fait prisonnier au combat de Saint-Quentin ; dans la stricte clôture des murs du parc, il aura tout le loisir de se refaire une santé.
(Passage de Anne de Montmorency entouré de ses gardiens).
(Trompettes)
On ne peut pas ne pas évoquer le roi de France Henry IV, héritier des Luxembourg, Seigneurs d’Enghien, celui-là même qui, perdu de dettes, vendit le domaine aux d’Arenberg et s’en mordit peut-être les doigts.
(Passage d’Henry IV et de sa suite)
(Trompettes)
1606. – Avec les d’Arenberg, c’est l’embellissement du château, bourré de tableaux de maîtres, de tapisseries d’Enghien et autres, de sculptures et d’objets précieux ; c’est la création de ce superbe parc qui fera tant d’admirateurs.
Le domaine devient le carrefour de la haute noblesse. Voyons les défiler, les ducs d’Arenberg et les porteurs de ces grands noms toujours illustres : les de Croy, d’Egmont, de Hornes, de la Marcq, de Ligne, les de Mérode, d’Epinay, de Lalaing, d’Isembourg, Spinola, Visconti et bien d’autres…
(Passage de la noblesse)
(Trompettes)
Le grand siècle classique, le XVIIe, connaît, hélas ! d’autres célébrités que Corneille, Racine et Molière. Pendant que Paris applaudit, nos régions pleurent. Les armées vont et viennent, passent et repassent, pillent, volent, violent et tuent. Le prestige de Nicolas Neufville, duc de Villeroi, maréchal de France, qui fut l’hôte de ces lieux, ne nous laisse pas oublier qu’il a bombardé à boulets rouges la Grand Place de Bruxelles. François-Henry de Montmorency-Beaudeville, duc de Luxembourg, maréchal de France, qui lui aussi résida à Enghien, conquit tant de drapeaux ennemis que le tout Paris le surnomma « le Tapissier de Notre-Dame » ; il fut le vainqueur de Steenkerque, à deux pas d’ici ; mais comment oublier les dix mille hommes fauchés en une demi-journée par cette bataille ?
(Passage de deux maréchaux ; musique lugubre ou marche funèbre de la 3e de Beethoven)
(Trompettes)
1815.- Avant Waterloo, le duc de Saxe-Weimar et ses Prussiens montent en ligne contre Napoléon échappé de l’île d’Elbe.
(Passage et trompettes)
Après Waterloo, le duc de Richmond et la cavalerie britannique poursuivent les débris de l’armée française.
(Passage)
N’est-ce pas assez de roulements de tambours et de bruits de bottes ? Non. L’actuel château subira encore les états-majors allemands des deux dernières guerres, sans parler des centaines de camions anglais stationnés dans le Parc à la Libération (passage d’officiers allemands dans un sens, d’officiers anglais dans l’autre.
(Passage d'une ou plusieurs jeep chargées de soldats anglais)
(Trompettes)
Assez ! Assez de morts ! Assez de larmes et de sang ! Hommes et femmes d’Europe qui avez ici entrecroisé vos routes, ne vous êtes-vous pas assez fait souffrir mutuellement ? N’y a-t-il pas eu assez de merveilles abattues ou ravagées par les flammes ou dissipées en fumée ?
(Coup de cymbale)
Villes d’Europe, Enghien-Belgique jumelée avec Enghien-France, premiers symboles pour nous d’une Europe enfin unie pour la collaboration, la paix, la joie, la fête …
(Passage : un jeune homme et une jeune fille, bras dessus bras dessous portant l’un le blason d’Enghien, l’autre celui d’Enghien-les-Bains suivis d’un couple portant l’un le drapeau belge et un drapeau français - musique)
Mais ceci n’est qu’un commencement. Le passé d’Enghien est lourd d’histoire, mais riche de quel avenir !
(Arrivée de tous les drapeaux – ballet des 12 drapeaux autour du drapeau bleu étoilé de l’Europe – Hymne à la Joie).
Sources : Remerciements à Henri Delecault et son épouse pour la mise à disposition de leur documentation.
Bientôt la suite de cette magnifique aventure :
Si Enghien m'était conté : 19 - 20 - 21 septembre 1991