A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
Eloi de Noyon est né vers 588 et mort le 1er décembre 659. Il est le fils d’Eucher et de Terrigia, un couple de chrétiens gallo-romains installés à Chaptelat (Haute-Vienne). Lorsqu’il découvre les talents de son fils dans le maniement des matériaux précieux, son père le place comme apprenti chez Abbon, maître orfèvre et argentier à Limoges. Lorsque sa formation est terminée, Éloi décide de partir à Paris et trouve un emploi chez le trésorier du roi Clotaire II. Un jour, le roi confie à Éloi le mandat de confectionner un trône en or serti de pierres précieuses. Une fois le travail terminé, le roi est agréablement surpris lorsqu’il constate qu’avec la quantité de matériau qu’il avait confiée à Éloi ce dernier a fabriqué non pas un, mais deux trônes. Fort impressionné, Clotaire le prend à son service comme maître argentier et grâce à son talent, il acquiert bientôt une grande renommée, mène grand train de vie et accumule les richesses, ce qui ne l’empêche pas d’être très généreux envers les pauvres et de s’adonner avec application à ses exercices de piété.
Lorsque Clotaire II décède, son successeur Dagobert garde Éloi auprès de lui comme trésorier, ce qui augmente encore son pouvoir. Parallèlement à ses responsabilités politiques, Éloi s’est aussi lié d’amitié avec Didier, le futur évêque de Cahors et avec Dadon, le futur Saint-Ouen de Rouen, avec qui il fonde une petite compagnie religieuse rattachée au monastère de Luxeuil. Lorsque Dagobert lui fait don d’une terre à Solignac (Haute-Vienne), Éloi y fonde un nouveau monastère, qu’il place sous une règle basée sur celles de Saint-Colomban et de Saint-Benoît et dont il confie la direction à Saint-Remacle. En 633, il fonde à Paris un autre couvent de femmes, dont il confie la direction à Sainte-Aure.
En 640, il est ordonné prêtre et l’année suivante nommé évêque de Noyon et de Tournai (de 641 à 660 - 5e évêque de Tournai) par le successeur de Dagobert, Clovis II. Il se consacre ensuite à l’évangélisation des peuples du nord de la Gaule (les Flandres et la Frise, notamment) et encourage le culte des saints, supervisant la création de splendides reliquaires (pour Saint-Martin de Tours, Saint-Germain de Paris et Sainte-Geneviève, entre autres). Il se lie également d’amitié avec l’épouse de Clovis II, Sainte-Bathilde, et avec son aide rachète de nombreux esclaves (parmi lesquels figure le futur Saint-Tillo de Solignac) (588-660).
Saint-Éloi est le patron des orfèvres, bijoutiers, horlogers, graveurs, forgerons, mécaniciens, chaudronniers, mineurs, taillandiers, batteurs d'or, doreurs, tisseurs d'or, monnayeurs, serruriers, cloutiers, fourbisseurs, armuriers, balanciers, épingliers, aiguilliers, tireurs de fils de fer, ferblantiers, lampistes, loueurs de voiture, voituriers, cochers, jockeys, lads, vétérinaires, selliers, bourreliers, maréchaux-ferrants, charrons, carrossiers, charretiers, éperonniers, maquignons, fermiers, laboureurs, valets de ferme, pannetiers, vanniers, bouteillers, plonchoyeurs mais également du matériel et des militaires logisticiens, des numismates, des ingénieurs en électricité et en mécanique, des chauffeurs de taxi, des métallurgistes et des métiers de la construction. Il est aussi le protecteur des chevaux.
Saint Eloi à Enghien
Le territoire où s’élève la ville d’Enghien aurait été évangélisé par Saint Eloi. On lui aurait érigé une chapelle, premier berceau de la paroisse actuelle. On retrouve les vestiges de cette chapelle dans le sanctuaire de Saint-Eloi, situé au côté droit de l’église paroissiale d’Enghien (actuellement Chapelle Notre-Dame de Messines).
Saint Eloi est aussi appelé l'apôtre d'Enghien, selon une tradition ancienne. Il fut l’apôtre de la Flandre et des environs de notre ville ; à diverses reprises, ses reliques furent transportées sur les confins du Hainaut et de la Flandre. Peut-être la chapelle de Saint-Eloi doit-elle son origine à une station de ces reliques sur notre territoire.
L’église paroissiale d’Enghien reçut saint Nicolas de Myre pour patron. Le maître-autel, dédié à ce saint, aurait été consacré le dimanche 30 septembre 1347 par Egide, coadjuteur de l'évêque de Cambrai.
Un second édifice fut sans doute élevé sur l’emplacement de ce premier oratoire dédié à Saint Eloi. La chapelle actuelle aurait formé le chœur de cette église. Malgré les modifications que certains détails ont subies, on ne peut se refuser à voir dans les piliers cylindriques et dans les fenêtres lanceolées de cette chapelle des traces de style ogival primaire.
Cet édifice servit jusque vers le commencement du XIVe siècle d’église paroissiale. Il comprenait, outre le chœur, une grande nef et deux petites et s’étendait jusqu’à l’extrémité opposée du chœur de l’église actuelle. Lors de la construction de celle-ci, on se borna à démolir la majeure partie des nefs. Quel fut le motif qui fit respecter le chœur de l’église primitive et amena cette singulière situation de l’existence d’une chapelle placée perpendiculairement au chœur? Peut-être les paroissiens insistèrent-ils pour conserver une chapelle en l’honneur de Saint Eloi, leur premier patron ; peut-être le métier de Saint-Eloi avait-il été autorisé à se servir du chœur de l’église primitive ; après la construction du nouvel édifice, il aura obtenu de conserver cette partie d’édifice comme chapelle particulière et lieu de réunion. Le métier de Saint-Eloi avait vers cette époque une importance déjà considérable. On lui abandonna la chapelle à charge de pourvoir à son entretien.
S'y réunissaient les membres de la Confrérie de Saint Eloi, l'une des plus anciennes et plus riches de la ville (XIIIe siècle). Elle groupait orfèvres, forgerons, maréchaux, selliers, chaudronniers, couteliers, serruriers... Ceux-ci devaient assister aux offices "en cottes et chaprons", tandis que les doyens et maîtres avaient à se munir d'"ung hanap"...
Cette chapelle était encore au XVIe siècle, le but d’un pèlerinage fréquenté par les étrangers qui y faisaient des offrandes assez considérables.
Le métier de Saint-Eloi y fit exécuter à diverses reprises des travaux parfois importants. En 1407, le magistrat lui accorda une allocation de 30 livres tournois en aide des ouvrages de cette chapelle. En 1412, un nouvel autel y fut placé ; on y fit deux armoires pour y enfermer les ornements. L’année suivante, les échevins accordèrent au métier de Saint-Eloi, une aide de dix livres, « en augmentation des ouvrages de la chapelle Saint-Eloy ».
Cette chapelle avait, comme le reste de l’église, souffert de l’incendie de 1497. Les reliques de Saint Eloi, consistant en deux jointes de son second doigt, furent alors consumées. L’autel dut être à nouveau consacré. Cette cérémonie fut faite le 28 mai ou plutôt le 28 juin 1500 par Egide, évêque de Bérite, carme et suffragant de l’évêque de Cambrai. Cela résulte d’une découverte faite, en 1859, lors du placement d’un nouvel autel dans cette chapelle. On trouva dans l’autel ancien un vase en étain, renfermant des reliques et un petit parchemin…
La chapelle, dans son état actuel et malgré des proportions assez exigües, est un beau spécimen d’architecture ogivale primaire. Elle se compose d’un chœur, d’une partie de la grande nef et d’une nef latérale à droite, séparée par deux colonnes dont une engagée. La voûte du chœur est formée par des arcs croisés en pierre blanche venant retomber sur des culs-de-lampe historiés qui évoquent diverses professions :
Les dimensions de la chapelle sont : chœur, long. 8m70, larg. 7m72 ; grande nef, long. 10m05, larg. 7m76 ; petite nef, larg. 3m86.
Les colonnes (XVe s.) sont ornées de chapiteaux historiés fort curieux, d’une exécution naïve qui ne manque pas d’un certain art ; ils attestent le style et le costume de la fin du XIIIe siècle. Celui placé du côté droit figure un atelier de forgeron muni d’un foyer, d’une enclume et d’autres outils ; on y voit un chien enfermé faisant agir le soufflet de la forge. Au centre sont deux personnages dont l’un porte à la main, probablement des tenailles ; plus loin, un ouvrier frappant du marteau sur l’enclume… Sur le chapiteau de gauche, deux personnes dont l’une semble être le maître et l’autre le domestique portent des objets fort semblables à des selles ; à côté d’eux est un établi de forgeron garni d’outils.
Plus loin se dresse une table abondamment servie autour de laquelle sont assis quatorze convives dans des poses différentes : deux femmes portent leur enfant sur les bras ; deux hommes semblent avoir une altercation violente ; autour s’empressent des domestiques chargés du service de la table ; à l’extrémité, on aperçoit un dressoir chargé de cannettes et de plats.
Ces chapiteaux, plutôt que de représenter des scènes de la vie du saint, reproduiraient des événements propres au métier du saint, peut-être même une charge satirique à l’occasion de circonstances oubliées aujourd’hui.
Les fenêtres rappellent l’ogive à lancettes, mais modifiée par des restaurations postérieures.
A partir du XVIe siècle, la chapelle a subi peu de modifications ; les incendies ne lui causèrent que des dégâts insignifiants.
Des restaurations intelligentes, dues au zèle et au bon goût des administrateurs de l’église, ont rendu à la chapelle son cachet ancien, méconnu par des réparations des siècles derniers. L’intérieur a été remis à neuf ; les plâtres et le badigeon grattés avec soin ont remis au jour les sculptures curieuses de l’intérieur.
Une balustrade de peu d’élévation, sculptée en pierre blanche et à jour, sépare cette chapelle de la nef.
L’autel érigé en 1412 a fait place, après l’incendie de 1497 à un autel en style renaissance. Il a été remplacé ensuite par un très bel autel ogival dû à M. Moestinckx de Bruxelles.
En 1962, lors de la dernière restauration de la chapelle, actuellement chapelle Notre-Dame de Messines, quatre nouveaux vitraux ont été posés dans le chœur. Ils sont de Max Ingrand. Ils représentent, de gauche à droite :
Sous ces vitraux a été élevé un nouvel autel au-dessus duquel l'on peut admirer un splendide retable aux origines aujourd'hui encore incertaines. Du patrimoine de la Maison d'Arenberg, il est passé dans celui de l'Etat (1925) et, de la chapelle castrale, le voici à l'église paroissiale depuis 1964. Il réunit trois oeuvres aux origines distinctes.
La prédelle évoque l'arbre de Jessé. Dans la partie centrale (env. 1530) sont sculptées diverses scènes de la vie de la Vierge Marie :
- au registre inférieur :
- au registre supérieur :
Le tout, cinq fois marqué au poinçon d'Anvers et attribué au sculpteur Moreau, met en scène cent vingt-cinq personnages.
Les volets extérieurs (fin du XVIe s.) représentent, au centre, la Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne ; sur les côtés, on a cru pouvoir découvrir Alphée et Marie Salomée, Zébédée et Marie Cléophas ; aux extrémités supérieures, l'offrande de Joachim et la rencontre de Joachim et d'Anne.
Sur les volets intérieurs sont peints la présentation au temple, le miracle de la Houssine, les funérailles de la Vierge, le tombeau vide et l'assomption ; aux extrémités supérieures, la naissance de la Vierge et la suprême salutation.
La prédelle et les volets auraient pour auteur un peintre de l'entourage de P. Coecke (XVIe s.).
Dans la nef centrale l'on peut admirer les deux vitraux de Ladon, de Gand (1924 et 1933) qui représentent :
En 2011, à l'avant du choeur, a été installé un nouvel autel, afin de satisfaire aux exigences de la nouvelle liturgie, le prêtre officiant faisant face aux fidèles. Cet autel a été offert gracieusement à la paroisse d'Enghien par le Sanctuaire du Bienheureux Edouard Poppe de Moerzeke, près de Gand. Considéré comme le "Curé d'Ars" de la Belgique, il a été béatifié à Rome par Jean-Paul II le 3 octobre 1999.
A la Saint-Jean, le 4e dimanche de juin, la chasse de Saint-Eloi (XVIIIe s.) est portée en procession par les "Equipes populaires".
Jadis, la fête de Saint-Eloi était joyeusement célébrée à Enghien, notamment par le personnel des usines métallurgiques Saint-Eloi, qui étaient établies à la chaussée d'Asse, le long du chemin de fer.
Sources textes et photos :
Les saints du calendrier et les dictons
Wikipedia
Julienne M. Moulinasse - Enghien : Histoire, Monuments, Souvenirs - 1931.
Ernest Matthieu – Histoire de la Ville d’Enghien – 1974 (réédition de 1876) – p. 439 et pp. 477-482.
Yves Delannoy - Enghien - 2e édition - sept. 1976 - pp. 21-25 et 3e édition - sept. 1990 - pp. 20-25.