A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
Groupe de la procession deNotre Dame Reine de la Grâce en 1913 (Annales CRAE - Tome XVI - 1972) |
Autrefois, à Enghien, se déroulaient plusieurs processions solennelles : lors de la fête communale, à la kermesse, le jour de Saint Marc, à la Fête-Dieu, etc.
Ernest Matthieu dans son Histoire de la Ville d'Enghien (1876), raconte :
« La fête communale était célébrée par une procession générale autour de la ville, procession, pendant et après laquelle les membres de la Chambre de Rhétorique (dite Confrérie de Sainte-Anne : voir ci-dessous) jouaient divers mystères. Dès les premières années du XVIIe siècle, ces représentations ne furent plus autorisées pendant la procession, mais elles eurent lieu après sa rentrée sur un théâtre dressé sur le marché… ces solennités qui ne manquaient pas d’attirer en ville une foule considérable de spectateurs et qui avaient assez d’analogie avec les ommegang des cités flamandes.
L'ommegang de Bruxelles en 1615. Œuvre d'Antoon Sallaert.
La procession de la kermesse, même après que l’on y eut prohibé les représentations de mystères, resta cependant un des plus beaux cortèges religieux de notre province par sa richesse, l’ordre qui y régnait et l’affluence des pèlerins qui venaient de très loin pour l’admirer. Outre les nombreux prêtres qui l’accompagnaient, on y voyait figurer les corporations monastiques et religieuses de la ville et des environs, les membres des divers serments revêtus de costumes éclatants portant leurs armes et précédés de leurs bannières, les corps de métiers avec les châsses ou fiertes de leurs patrons, les enfants des écoles, la confrérie rhétoricienne qui représentait sur des chars des scènes bibliques. Le magistrat avec ses aides, le bailli et ses subordonnés tenaient à honneur de rehausser par leur présence la pompe de cette cérémonie.
De temps immémorial, les serments de Bassilly, de Marcq, de Petit-Enghien et de Hoves se rendaient à Enghien pour cette solennité et recevaient en retour une allocation pour leur présence de douze sous sur la caisse communale.
Outre cette procession, on en comptait sept autres solennelles qui avaient lieu le jour de saint Marc, à la fête de l’Invention de la Sainte-Croix, à la Fête-Dieu, le dimanche après l’octave : celle-ci était faite par les Augustins, le jour de sainte Anne pour la confrérie rhétoricienne ; le jour de saint Laurent, procession instituée en mémoire de la résistance victorieuse opposée par les bourgeois d’Enghien, en 1580, à la surprise tentée par les gueux ; enfin le 8 mai, jour où l’on transportait solennellement la châsse de saint Nicolas à l’hôpital. Cette cérémonie était l’occasion d’une récréation pour les élèves de l’école de la ville qui allaient avec leurs maîtres se promener dans les bois voisins pour y couper des mais et cueillir des fleurs printanières. C’est peut-être la raison pour laquelle ce saint était appelé « saint Nicolas le Verd ».
Les serments et les métiers assistaient à ces processions avec un certain nombre de flambeaux ; une ordonnance du bailli et du magistrat, en date du 24 septembre 1568, détermina l’ordre dans lequel marcheraient ces diverses corporations ; c’étaient d’abord les quatre serments par rang d’ancienneté, ayant chacun quatre flambeaux et leur blason ; après eux venaient les métiers des bouchers et des tisserands avec deux flambeaux et leur blason ; le métier de Saint-Eloi qui avait quatre flambeaux, les drapiers, les brasseurs, les cordonniers, les boulangers, la confrérie de Sainte-Anne, le métier de Sainte-Catherine et les tapissiers, avec deux flambeaux.
Les religieux des Augustins qui avaient établi, dans l’église de leur monastère, une confrérie en l’honneur de saint Nicolas de Tolentin, avaient été autorisés par Henri de Berghes, évêque de Cambrai, le 4 juin 1490, à faire une procession solennelle le jour de sa fête, 10 septembre. En 1497, un mandement de ce même prélat remit cette procession au dimanche dans l’octave de la fête. Depuis la suppression du couvent, cette procession a cessé d’avoir lieu, mais on continue de célébrer chaque année en l’église paroissiale le fête de ce saint ; il est même d’usage de bénir ce jour-là des petits pains sur lesquels on imprime en relief une image de saint Nicolas de Tolentin…
Aujourd’hui (1876), Enghien ne compte plus que deux processions annuelles, l’une le dimanche de l’octave du Saint-Sacrement et l’autre le jour de la kermesse ; cette dernière, malgré les pertes qu’elle a subies, forme encore un beau cortège.
Sur la confrérie de Sainte-Anne ou des Rhétoriciens (Chambre de Rhétorique)
La culture des arts et des lettres était, au moyen-âge, en honneur dans la ville d’Enghien. Dès le XVe siècle, peut-être même dès le XIVe siècle, il s’y était formé une association qui, sous le nom de confrérie de Sainte-Anne ou des Rhétoriciens, s’adonnait spécialement à la composition de travaux poétiques et à la représentation de pièces dramatiques appelées mystères, sotties, jeux ou moralités. Sa création pourrait être attribuée à une double influence : aux cérémonies religieuses et aux sociétés de tir.
… dans les processions qui parcouraient les rues de notre ville, des clercs et même des laïcs représentaient soit le mystère de la passion (réparti sur trois chars), soit d’autres scènes bibliques ou la vie d’un saint. Ainsi, à la procession de la Saint-Jean de l’année 1423, on représenta la vie de ce saint. A cette occasion, on introduisit dans le cortège religieux des personnages qui n’y avaient point figure précédemment, ce qui fut un motif pour le magistrat d’augmenter le subside accordé ordinairement pour ces solennités.
… dès les premières années du XVe siècle, les exhibitions de mystères n’étaient déjà plus subordonnés à la sortie d’une procession. Elles avaient lieu d’ordinaire, sur la place… En 1422, plusieurs compagnons enghiennois, prêtres, clercs et laïcs, jouèrent sur le marché d’Enghien trois mystères : c’étaient : la moralité du « riche homme avaricieux », la passion de saint Laurent et l’offrande des trois rois mages. »
La plupart des ordres religieux et monastiques ont progressivement quitté Enghien ou ont disparu, comme les Clarisses, les Jésuites français, les Sœurs de Saint Vincent de Paul, les Capucins,... La procession de la Saint-Jean, seule rescapée, a lieu le quatrième dimanche de juin, lors de la kermesse d’Enghien.
En désuétude, il y a quelques années, elle a presque retrouvé son éclat d'antan, grâce à de nombreux bénévoles. De nouveaux groupes sont apparus et de nombreux costumes ont été confectionnés.
En 2007, Mgr Guy Harpigny, 100e évêque du diocèse de Tournai, présidait la procession.
Notre doyen, Benoît Lobet, écrivait le 23 juin 2011 :
Cette année, la Procession d'Enghien correspond à la solennité de la Fête-Dieu, la Fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur. C'est une belle opportunité de rappeler la grandeur de ce Sacrement, que le pape a nommé mercredi dernier, dans sa catéchèse, "le plus grand trésor des chrétiens et même de l'humanité". Belle expression. Qui ne cherche un trésor? Qui n'est déçu par sa recherche, s'il ne cherche là où est le vrai trésor?
Or, dans l'Eucharistie montrée, exhibée en procession, nous montrons l'amour le plus grand qui soit au monde - dans toute l'histoire de l'humanité. Tout donner, absolument tout : son corps, son sang, se laisser manger par l'autre, jusqu'à l'anéantissement absolu du soi englouti. Ainsi fait Dieu pour l'homme, en Jésus. Ainsi fit-il, ainsi continue-t-il de faire. Y a-t-il plus grand amour montrable, possible?
Et, dans une procession, cet amour-là rejoint nos pauvretés, nos manques, nos résistances. Dans une procession, - dans la belle procession d'Enghien - cet amour-là est précédé par les statues, les rappels imagés, de ceux et celles qui ont tenté d'en vivre : les saints et les saintes de l'Eglise, figures connues de la multitude inconnue, qui ont cru à l'amour. Ils nous accompagnent, nous rejoignent, nous précèdent, nous stimulent.
Oui, l'amour est possible. Il se donne à voir, il n'a pas peur de se montrer. Et, comme je le disais sur ce même blog l'an dernier, ce sont les "petites gens" qui le pressentent le mieux : de leurs maisons, pour orner leurs façades, ils sortent le plus beau, et s'agenouillent au passage du Saint Sacrement, du Sacrement de l'Amour. Récemment, un "porteur de dais" de la procession me racontait l'anecdote suivante, qui m'a fait rire : devant un café, deux braves types qui buvaient leur bière (on est en Belgique...) ne savaient pas quelle contenance prendre au passage du Baldaquin. C'est la patronne du café qui, de l'intérieur, en "toquant" au carreau, leur a intimé l'ordre de se mettre à genoux! Belle solidarité dans la piété! ... L'Eglise avance. Et même, elle "processionne"...
Et encore, le 23 juin 2013 :
La joie de vivre à Enghien
Aussi le 22 juin 2014 :
"Je n'ai jamais vu ça..."
C'est la réaction du Vicaire Episcopal et Président du Séminaire, Daniel Procureur, après la rentrée de la Procession d'Enghien ce midi. "Je n'ai jamais vu ça!" Un enthousiasme qui rassemble les paroissiens, certes, mais qui les rassemble dans le souci d'une liesse populaire capable de réjouir tout le monde, par-delà clivages et appartenances. La procession, c'est la fête de la Ville d'Enghien tout entière, dans toutes ses composantes!
Bravo aux organisateurs, qui rament dur à longueur d'année pour réussir pareille entreprise.
Bravo et merci : pour la Paroisse, pour Simon notre séminariste qui a été dignement félicité au terme de son stage pastoral, pour moi-même qui ai été ému aux larmes de constater avec quelle gentillesse on avait pensé à l'anniversaire de mon ordination, et pour la Ville, qui était en fête aujourd'hui grâce à tout cela. Oui, il fait bon vivre à Enghien, des jours comme aujourd'hui (et même les autres jours, quand la vie est plus difficile!)
NB. Plusieurs personnes m'avaient confié des "intentions particulières" pour cette procession : des malades, des personnes de ma famille, des paroissien(nes), tout cela souvent - toujours- pour des situations compliquées... Je les ai portées en portant le Saint-Sacrement, et j'y ai explicitement pensé.
Et comme d'habitude, j'ai été sensible aux plus modestes, qui tiennent à orner leur façade d'une statue, d'une fleur, d'un rien qui est tout, qui dit tout, et à tous ceux et toutes celles, anonymes, jeunes - aussi - et plus âgés qui, je ne sais pas pourquoi (et cela reste heureusement leur secret et leur mystère) s'agenouillent lorsque passe devant eux le Saint-Sacrement. Pour nous chrétiens, Il n'est rien moins que la Présence Réelle de Jésus aujourd'hui parmi nous.
Et le 28 juin 2015 :
Princière procession...
Sources :