A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
Felix Mendelssohn (1809-1847)
Die schöne Melusine [Le Conte de la belle Mélusine], ouverture op. 32
Composition : entre début 1833 et le 14 novembre 1833 ; deuxième version en 1834.
Création : le 7 avril 1834 à Londres sous la direction d’Ignaz Moscheles.
Effectif : flûtes, hautbois, clarinettes et bassons par deux – cors et trompettes par deux – timbales – cordes.
Durée : environ 12 minutes.
D’après une légende poitevine, la sirène Mélusine épouse le chevalier Lusignan, à condition qu’il ne la voie jamais le samedi ; il finit par découvrir son origine surnaturelle et elle retourne définitivement à la mer. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le sujet ait attiré Mendelssohn, toujours familier de l’univers féerique et des douces brises. Mais l’origine de cette ouverture est curieuse.
En 1833, le compositeur entend à Düsseldorf un opéra de Conradin Kreutzer sur ce sujet, il ne l’aime pas, pour son manque de féerie probablement, et il s’agace d’autant plus que l’on bisse l’ouverture. « J’ai eu envie, écrit-il à sa sœur Fanny, de composer une ouverture moi aussi, non pas pour qu’elle soit redemandée, mais pour qu’elle ait plus de substance ; et ce qui m’a plu dans l’argument, je l’ai pris… » Autrement dit Mendelssohn, qui a déjà à son actif son merveilleux Songe d’une nuit d’été, estime, ainsi que le lui suggère son maître de philosophie Hegel, qu’une ouverture musicale doit résumer la pièce de façon descriptive et narrative. Beethoven a ouvert la voie dans ce sens ; Berlioz et Mendelssohn continuent ; le poème symphonique lisztien n’est plus très loin.
Le grand intérêt de cette page réside dans son thème de Mélusine, très aquatique à travers ses arpèges ondoyants de clarinette, qui va parrainer bien des ondines musicales à venir ; on sait que Smetana, l’auteur de La Moldau, s’est plu à recopier cette partition, et l’on peut supposer que Wagner, grand révolutionnaire mais plus emprunteur qu’on ne le croit, s’est inspiré de cette pièce pour ses flottantes Filles du Rhin.
L’exposition de la forme sonate présente d’abord les deux personnages. Il est habituel qu’un thème d’entrée soit énergique et le second thème doux et souple, mais ici c’est l’inverse : Mélusine nage la première, et va indiquer plus loin les différentes sections ; son glissé au milieu des flots est d’une amabilité très caractéristique de Mendelssohn. Vient ensuite le thème plus rude du chevalier, en mineur, décidé et piétinant sur des batteries nerveuses, également typiques du compositeur. En section conclusive, un thème de valse, sans doute symbole du mariage, se combine aux motifs de Lusignan.
Le développement commence le récit : après un retour de Mélusine, le thème du chevalier s’approche, son élaboration est pleine de désir tendu et inquiet, et le thème de valse se tourmente également. La réexposition, développante, insiste sur le thème du chevalier, plein d’autorité inutile. La coda appartient aux vaguelettes de clarinette : la figure de Mélusine s’éloigne dans un climat idyllique, insensible aux appels des violons.
Isabelle Werck
Philharmonie de Paris.