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A la découverte d'Enghien par d'autres chemins

Le chanoine Gérard Deffrennes

 

 

Le chanoine Gérard DeffrennesMERCI MONSIEUR DEFFRENNES

A la fin de l'année scolaire (1982), la nouvelle de la nomination de M. l'abbé Gérard Deffrennes comme chanoine titulaire de la Cathédrale de Tournai a dû provoquer la surprise chez certains de ses anciens élèves tant sa personnalité était étroitement liée au Collège Saint-Augustin.

Tout en regrettant son départ, nous nous réjouissons de cette marque d'estime et de confiance qui lui est accordée par Monseigneur l'évêque et nous adressons à Monsieur le chanoine Deffrennes, en même temps que nos remerciements pour tout ce qu'il a accompli parmi nous, nos vives félicitations et nos vœux chaleureux de bonheur et de paix dans ses nouvelles fonctions.

« Un souci d'art et de perfection
   dans tout ce que l'on fait... ».

 

Lorsque l'abbé G. Deffrennes était jeune professeur, on pouvait lire, affichée au mur dans la classe où il officiait chaque jour, une (ex)citation qui commençait en ces termes. Ceux qui ont vécu à ses côtés peuvent témoigner que cet idéal exigeant proposé à ses jeunes disciples, il l'avait d'abord assumé dans sa vie personnelle et qu'il prêchait d'exemple.

Arrivé au Collège en septembre 1944, après avoir été chargé pendant une année de cours d'histoire, il était devenu titulaire de la classe de syntaxe. En contact quotidien avec des jeunes au tournant de l'adolescence, il allait se révéler un excellent éducateur. Non seulement un initiateur méthodique aux secrets de la grammaire et aux finesses du langage, mais aussi et surtout un conseiller et un éveilleur plein d'accueil et de compréhension.

Sa mission du professeur le plaçait à ce niveau le plus élevé où l'homme se doit de témoigner de sa vérité, celle qui le portait à enseigner, au delà des techniques juridiques, la grandeur des vertus morales puisées dans cet humanisme chrétien qui le nourrissait

C'est donc avec grande joie que certains de ses élèves le retrouvèrent au couronnement de leurs humanités, lorsqu'en septembre 1952 il devint, au départ de l'abbé Ch. Reumont, professeur de rhétorique et préfet des études. A ce poste de responsabilités accrues il allait pendant près de trois décades donner le meilleur de lui-même, au service de jeunes humanistes en voie de maturation qui sous sa conduite allaient s'initier aux lois du paragraphe et aux règles du raisonnement, mais aussi poursuivre à travers les grands auteurs leur découverte des valeurs humaines essentielles et la Révélation Chrétienne.

L'enseignement est une tâche sans éclat extérieur et l'éducation est une longue patience. Pendant plus de trente ans l'abbé G. Deffrennes s'y est consacré avec une ferveur sans défaillance, éduquant ses élèves à la clarté, à la méthode, à l'exigence dans le travail. L'essentiel pour lui n'était pas de briller, mais de former à l'exactitude et d'apprendre à penser juste. Sans aucun doute il était d'accord avec l'idéal de Montaigne: « Mieux vaut une teste bien faicte qu'une teste bien pleine. »

Mais la formation des intelligences n'est-elle pas inséparable de celle des caractères? Et le but de l'existence n'est-il pas de mettre une plus vaste connaissance au service d'un plus grand amour? « Scientia fovet » : la devise du collège inspirée de Saint Augustin animait l'abbé G. Deffrennes. Il n'y a de science qui vaille en dehors de la chaleur humaine et du service des autres. Homme de conviction, profondément imprégné de la valeur de son sacerdoce, il ne concevait pas son rôle autrement que comme un témoignage à la Vérité.

Prêtre, il l'était pleinement, dans son enseignement comme dans les contacts qu'il établissait avec ses élèves. Combien d'entre eux ne lui doivent-ils pas une meilleure compréhension de leur foi, un approfondissement de leur vie chrétienne ! Nombreux furent ceux qu'il guida dans leur recherche de perfection, dans leur cheminement vers le sacerdoce ou la vie religieuse.

Le Collège –son Collège– lui doit beaucoup. Appelé à le servir pendant de longues années, il le fit toujours discrètement, humblement. Ses conseils judicieux ont souvent contribué à la bonne marche de la maison. Dans ce domaine aussi, l'esprit qui l'animait était toujours un souci de perfection.

Un souci d'art, écrivions-nous en commençant.... Pourrions-nous passer sous silence l'organiste talentueux qui anima pendant tant d'années la vie liturgique du Collège, dans une recherche incessante de prière et de beauté ?

C'est peut-être cette faculté d'émerveillement, d'admiration de l'artiste épris du beau –une faculté qu'il possédait pleinement– qui lui a permis de conserver cette jeunesse de cœur si présente en lui jusqu'au bout de sa carrière d'enseignant. Puisse-t-il la conserver toujours ! C'est ce que nous lui souhaitons de tout cœur au moment où il nous quitte pour de nouvelles occupations et pour un repos bien mérité.

Merci pour tout, cher Monsieur Deffrennes !

 

Abbé J. Pottiez, Principal.

 

Source : Collège Saint-Augustin, Revue Heri et Hodie, novembre 1982, n° 4, 51e année, pp. 8-10.

 

Le chanoine Gérard DeffrennesIn memoriam

Monsieur le chanoine Gérard Deffrenne 1

Il y a des professeurs dont la personne et la culture marquent leurs élèves et aussi les lieux où ils passent. Monsieur l'abbé Deffrenne étaient de ceux-là. Il y a quelque dix-huit ans, il quittait le Collège, mais c'est le Collège qui le perdait, aujourd'hui, il nous quitte définitivement, mais c'est nous qui le perdons. Le texte qui suit a été prononcé par Jean-Marie Willot, principal, lors de ses funérailles célébrées le samedi 13 janvier 2001 en l'église Saint-Jacques à Tournai.

 

Merci Monsieur le Professeur,
Merci Monsieur le Préfet,
Merci Monsieur l'Abbé,

« Me sera-t-il permis aujourd'hui d'ouvrir un tombeau devant la Cour, et des yeux si délicats ne seront-ils point offensés par un objet si funèbre ? » Cette première phrase du Sermon sur la Mort de Bossuet, des générations d'élèves de Rhétorique s'en souviennent . N'ouvrait-elle pas pour eux les portes de l'art oratoire, de la rigueur du syllogisme, de la recherche de la vérité, en un mot de ce que l'abbé Deffrenne proposait à « ses » rhétoriciens comme idéal de vie : « un souci d'art et de perfection dans tout ce que l'on fait » (*).

(*) Cité par l'abbé J. Pottiez, dans Heri et Hodie, Novembre 1982, qn° 4, 51e année, p.8.

Oui l'abbé Deffrenne a marqué la vie du Collège d'Enghien par la rigueur de son enseignement, par sa sensibilité de musicien, par sa capacité d'écoute et de dialogue. Pendant 38 ans, uni au Collège, comme le Christ à son Eglise, dans une fidélité de tous les instants, il fut pour les élèves et les professeurs un conseiller très écouté et un éveilleur plein d'accueil et de compréhension.

Né à Antoing en 1920, ordonné prêtre le 21 mai 1944 en la cathédrale de Tournai, après des études secondaires au Collège de Kain, l'abbé Deffrenne décroche à l'Université Catholique de Louvain les diplômes de bachelier en philosophie et de candidat en philosophie et lettres, spécialité philologie classique. En 1944, en septembre, il est envoyé au Collège Saint-Augustin à Enghien, pour assurer des cours de français et d'histoire. En 1945, il devient titulaire de syntaxe et prendra en charge en 1950 la classe de rhétorique et la responsabilité de Préfet des Etudes. En 1982, nommé chanoine titulaire, il quitte Enghien, son Collège et ses orgues pour Tournai, ses orgues et sa cathédrale. Retraite bien méritée qu'il met au service du chapitre et qui lui permet de se rapprocher de sa famille.

Il ne m'appartient pas d'évoquer cette période de votre vie. Pourtant à l'ancien élève que je suis et à ma famille, vous aviez fait un superbe cadeau : celui de votre amitié. Lors de nos rencontres, il nous a été donné de constater, combien vous étiez heureux quand vous nous parliez du chapitre, quand vous évoquiez votre vie de famille. Nous pouvons témoigner, dans la brillance de votre regard, que vous y avez rencontré épanouissement, joie et bonheur.

Merci Monsieur le Professeur, merci
Monsieur le Préfet, merci l'Abbé.
Le Collège vous doit beaucoup.

Comme homme tout d'abord. Un œil vif, un sourire légèrement malicieux, un teint éclatant de jeunesse. Le physique est à l'image de la profondeur de l'homme: une capacité d'écoute exceptionnelle, un jugement sûr, une volonté inlassable d'encourager. L'homme savait distinguer l'essentiel de l'accessoire. Quand on le quittait après un entretien, on s'en retournait toujours redynamisé, tant il avait puissance de convictions et d'optimisme.

Comme professeur, ensuite, avec « une ferveur sans défaillance, éduquant ses élèves à la clarté, à la méthode, à l'exigence dans le travail » (*). Servir la justice, chercher la vérité, découvrir l'absolu et son mystère, démarches pascaliennes par excellence, sans oublier l'ordre de la charité. Et avec cela un océan de compréhension à toute épreuve. Je repense à cette phrase de Charles Detrooz, un de ses professeurs à Louvain, qu'il aimait citer et qu'il relisait régulièrement : « La vie des jeunes, en effet, est une oeuvre passionnante dont le récit fait battre les cœurs des maîtres même les plus endurcis »(**).Et Dieu sait que le cœur de l'abbé Deffrenne était loin d'être endurci...

(*) Abbé Jacques Pottiez, o.c., p. 9.
(**) Charles Detrooz, Le Magister et ses Maîtres.

Comme prêtre, surtout, au service du Collège d'Enghien, dont nous fêtons cette année le 150e anniversaire de Collège diocésain. Vous faites partie de ces générations de prêtres qui ont consacré leur vie au service de l'enseignement. A la bibliothèque du Collège, aux orgues à la chapelle, en classe, au salon des professeurs, votre volonté a toujours été de mettre Dieu à la première place. Vous n'avez compté ni votre temps ni votre énergie pour partager la solide certitude de vos convictions.

Prêtre vous l'avez été jusqu'au bout, jusque dans l'Éternité, cette Éternité où vous êtes entré ce 3 janvier, cette éternité qui fait la force de notre espérance.

Au revoir, Monsieur l'abbé et Merci !


Marcq, le 10 janvier 2001.
Jean-Marie Willot, Principal.

 

Source : Collège Saint-Augustin, Revue Heri et Hodie, mars 2001, n° 2, pp. 6-7.

1 N.D.L.R. L'on trouve deux orthographes : "Deffrennes" et "Deffrenne". Suivant le faire-part du décès de son frère Etienne (15.9.2008) l'orthographe correcte semble être "Deffrenne".

 

 

EXTRAIT DE L'HOMELIE PRONONCEE LORS DES FUNERAILLES
DU CHANOINE GERARD DEFFRENNE

PAR LE CHANOINE MICHEL DAYEZ

 

Le chanoine Gérard Deffrennes

 

 

Nous venons de lire la parabole du Semeur. Cette parabole de la semence jetée largement, capable de germer et grandir en tout terrain, éclaire pour nous la vie de l'abbé Gérard Deffrenne : par l'espérance qui l’habitait dans le ministère d'enseignement qui lui fut confié ; par la fidélité qui fut la sienne à ce ministère parfois aride et austère, qu’il a assumé courageusement ; par la qualité avec laquelle lui-même a répondu au don du sacerdoce qui lui fut accordé voici plus de 50 années.

Né à Antoing Ie 5 avril 1920, il a assumé avec finesse et générosité l'héritage spirituel et humaniste que le milieu familial lui transmettait à sa naissance et dans lequel il eut la chance de pouvoir grandir harmonieusement.

Quelques grandes convictions se sont imposées à son esprit au fil de sa vie, au contact du ministère d'enseignement qu’il a exercé de manière continue au collège d'Enghien, dès son ordination sacerdotale en mai 1944 et jusqu'à l'âge prévu pour la retraite.

En premier lieu –parce que c’est celle qu'il partageait volontiers–, je relèverais la place et la valeur irremplaçable pour la vie sociale d'une intelligence bien formée, attentive à penser juste, de cette justesse qui surgit du contact de l’être humain docile à la réalité. Ceux et celles qui l’ont fréquenté se rappellent l'estime qui l'animait pour ce travail de l’intelligence, qu'il menait avec délicatesse et respect pour chacun. II se mouvait avec délices dans la distinction de Pascal présentant les trois ordres de l'univers –Dieu, l’homme, le monde– et plus encore au contact de ce célèbre pari que Pascal avait formulé sur les capacités de l’intelligence humaine face à l’infini, et la part inévitable d’option dans l’engagement de la foi. II y percevait un élément formateur pour l’intelligence humaine. Distinguer pour unir, aimait-il préciser. Cette page de Pascal lui paraissait capable d’aider à penser juste et en même temps apte à ouvrir à la richesse plénière de la vocation humaine, ouverte sur l’éternité.

Ce que l’apôtre Pierre qualifie comme cet héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement.

Sa finesse d’esprit, éveillée et développée grâce à la formation musicale dont il a bénéficié dans sa jeunesse, l’avait amené à cette orientation contemplative qui se laissait deviner lors de ses improvisations aux orgues et dans lesquelles son esprit créatif se mouvait avec aisance. Plus qu’un esthétisme, c'était pour lui un véritable chemin de prière. Aussi tantôt, en accueil de ce trait de sa personnalité, seront donnés aux orgues le choral de Bach intitulé Seigneur, je t’appelle et, au moment de la distribution de la communion eucharistique, ce choral Debout, devant ton trône, que Bach devenu incapable de jouer, a dicté juste avant sa mort, dans un acte de foi au Seigneur ressuscité exprimé grâce au don de la musique.

Une autre conviction de Gérard : celle de la valeur éminente du sacerdoce reçu comme don au service de l’humanité. Il le considérait comme une source à laquelle puiser sans cesse l’élan pour le service qui lui était confié, avec même cette nuance d’un appel permanent à un dépassement de nous-mêmes dans la fidélité à nos engagements.

Ce n'était pas d’abord la catégorie d'obligation qui le motivait, mais l’adhésion à cette présence du Christ lui-même qui saisit et envoie.

Cette nuance d'allure mystique s’alliait chez lui à cette vaste culture qu’il avait petit à petit acquise et qu'il vivait comme une médiation, un tremplin vers le haut. C*était pour lui comme un secret. Et si les liens avec ceux qu'il côtoyait, sa famille, les prêtres de son ordination, ses amis, ses anciens élèves et au sein du chapitre cathédral, étaient toujours empreints de cette cordialité respectueuse de chacun, on peut y percevoir un témoignage discret de l’unification intérieure qu’il avait réalisée.

Désormais absent de nos yeux de chair il entre de plain-pied dans ce monde timidement évoqué par ce verset du psaume 65ème Pour toi, Seigneur, même le silence est louange (ps. 65, I selon la traduction de saint Jérôme).

 

Source : Diocèse de Tournai.

 

 

 

 

 

 

 

 

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