A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
Le Guidon Club Enghiennois prend vie en 1928 et ses statuts libellaient comme objets : des sorties dominicales à vélo, l'organisation annuelle d'une course cycliste, clôturer l'assemblée générale par un banquet aux environs de la St Eloi.
Les membres portaient une casquette à visière noire dont la calotte était en tissu souple noir ; la partie avant était ornée d'une roue à rayons dorés placée entre deux cordonnets dorés, pour le président, le secrétaire, le trésorier, argentés pour les commissaires, tandis que les membres avaient la jugulaire en galon torsé noir coulissant et accroché de chaque côté à un bouton.
Le drapeau, dont la hampe était surmontée d'une roue ailée, s'attachait également à une tige cuivrée. La mention « GUIDON CLUB ENGHIENNOIS 1928 » (1) était cousue sur fond blanc et noir, coupé en diagonale; des franges aux couleurs nationales bordaient le côté inférieur et le droit.
Une anecdote : le club décide d'aller applaudir ses favoris lors du Tour des Flandres, début mars, à Overboelaere.
Le départ a lieu à treize heures avec halte au Café du Carrefour, dans l'attente du passage des coureurs cyclistes. Après que le peloton ait défilé, la bande décide de vider encore un verre avant d'attaquer le retour vers Enghien.
Au moment de prendre possession de leur vélo, le président Devroede constate la disparition du sien. Il n'y a qu'une solution : c'est de l'asseoir sur la barre d'un vélo pour le conduire à la gare de Grammont, où il pourra profiter du train des mineurs pour rejoindre Enghien.
La tombée de la nuit se fait sentir lorsque le copain est déposé devant la gare. Avant de demander son coupon, il se dit, puisqu'on a volé mon vélo, pourquoi n'en ferais-je pas de même? Il se précipite devant le café de la gare, enfourche un vélo et s'enfuit. Au mur de Grammont, il rattrape ses membres qui s'étonnent de le revoir aussi rapidement. Il constate alors que c'est son propre vélo !
L'Assemblée Générale dépendait du bon vouloir de mademoiselle Louise, cuisinière qui désignait le samedi qui lui convenait, aux environs du 1er décembre. Une délégation se rendait rue au Lait (2), et immanquablement, c'était la même ritournelle : une voiture doit venir chercher mes casseroles et vaisselle vers quatorze heures. L'arrêt chez le boucher, le boulanger et le marchand de légumes est indispensable. A minuit, une voiture me reconduira avec mes ustensiles et mon "cabas" (3). Le menu sera le suivant : hors d’œuvre varié, consommé fleuri, contre filet rôti, flageolets, pommes château, langue de bœuf, sauce gribiche, dessert, café, bière.
A 18 heures avait lieu l'Assemblée Générale avec à l'ordre du jour :
Ainsi, une année, un membre demanda la parole pour expliquer que toutes les sociétés enghiennoises organisaient des soirées de jeux au profit de leur caisse, tant le Supporters Club Allez Enghien, la Gymnastique l'Enghiennoise, les Amis de la Balle, que les Coulonneux. Et pourquoi pas nous ?
Oui, mais voilà, quoi choisir... On passa en revue les différents types de jeux en honneur à Enghien : la Belote (ordinaire, bridgée, sans atout, tout atout), le Chasse Cœur (la générale, la sourdine), le Couillon (à la retourne, forcé, l'as d'atout doit faire 21), le Mariage de Mons, le Piquet (voleur, croisé), le Rami, le Jeu du Roi, le Vieux Garçon, le Whip, le Whist (simple, à la couleur, prussien), au jeu des Dés : la Mijole, la Vache, 3000, 421, au jeu de fléchettes : le Picot.
Mademoiselle Louise vint annoncer que la soupe allait être servie et ils ont du se résoudre à clore le débat, pour se mettre d'accord d'organiser des soirées de jeux, un samedi et le dimanche.
CONCOURS DE PIQUOT, PIQUET, ZANZI
Marmots ou saucisses pour les deux gagnants
Mise : 20 frs. pour quatre personnes. Qu'on se le dise.
La réunion se clôturait par l'apéritif offert par le tenancier du local et les femmes rejoignaient leur mari pour passer à table.
Pour la kermesse 1930, on désigna ceux qui rencontreraient le bourgmestre Pierre Delannoy, afin de lui demander l'autorisation d'organiser des festivités, le premier week-end d'août, à la gare du tram :
Pendant les trois jours, une tente sera installée sur la place du tram, pour abriter un orgue Mortier, destiné à faire danser la population.
Le mayeur Delannoy se déclara d' accord avec ce programme, et fit remarquer, qu'il faudra l'autorisation du chef de la gare du tram pour la tente, qu'il enverra les deux agents de police Coppens et Delannoy, surtout pour la sécurité de la course cycliste et conclut l'entrevue en disant: la coupe du vainqueur de la course cycliste, je vous l'offre.
Le chef de gare, Arille Dewattine, ne fit aucune objection pour le placement de la tente, mais insista pour que la place soit dégagée avant mardi midi, car alors, commencera l'arrivée hebdomadaire des bestiaux qui seront conduits par wagons à l'abattoir d'Anderlecht.
Lors de la réunion préliminaire, les tâches sont attribuées :
Samedi 2 août.
Si chaque café applique son règlement particulier au jeu pratiqué chez lui, le trou-madame a également ses variantes. Ainsi, chez Jean-Baptiste Van Herreweghen, celui qui avait le moins de boules entrées en huit essais de trois payait la tournée. Celui qui faisait passer ses trois boules d'affilée dans le bac, recevait un franc de ses partenaires.
Chez Dullekens, le joueur qui possédait sa planche pouvait inviter ses partenaires.
Voici comment le jeu s'est déroulé ce samedi.
Le but est de faire passer les trois boules sous une arcade. Le bac récepteur est un triangle en bois dont les deux faces égales se posent dans un coin du local; deux planches parallèles font couloir depuis l'entrée jusqu'au bois protégeant le mur et la face avant est protégée par un morceau de pneu d'auto et percée par une arcade de 13 centimètres de hauteur et de 7 cm. de largeur. La boule est un palet de bois mesurant 12 cm. de diamètre et la partie roulante, un peu bombée, a une largeur de 6 cm. La mise est de un franc par essai qualitatif. Tous les joueurs ayant obtenu les trois boules d'affilée sur trois, dans le bac, se rencontrent dans l'ordre chronologique de leur réussite, jusqu'à ce que quatre restent qualifiés, pour la finale dotée de 500 fr. ; 200 fr. pour le premier, 150 pour le second, 100 pour le troisième et 50 pour le quatrième.
Le vainqueur, Albert Dehandschutter, portait le costume d'été à carreaux, la casquette large tirée sur l'oreille droite. Je l'ai revu le lendemain, dans la matinée; l'arrière de son pantalon et de sa veste laissait apparaître une large tâche de couleur brûlée. J'appris, qu'il s'était réveillé dans un wagon à bestiaux du tram, où il avait cuvé sa boisson dans de la paille usagée. Comment était-il abouti là, il ne le savait pas lui-même.
Dimanche 3 août.
Dès 13 heures, les coureurs prennent quartier dans le garage Duran. Victor Brown, le garde barrière de la porte d'Hérinnes, est envoyé par le chef de gare Stocké, pour annoncer aux organisateurs, qu'ils devraient retarder le départ de 14h à 14h30, sinon, les coureurs se trouveront devant la barrière fermée du passage à niveau. Il se charge d'avertir son collègue de la route d'Hérinnes, de ne pas fermer trop vite la barrière à 16h10, afin de ne pas fausser la course.
Soixante-trois coureurs se présentent à la ligne de départ et le commissaire de police Fidèle Canon donne le signal d'envolée, en redressant le drapeau du Guidon Club Enghiennois de l'horizontale à la verticale.
La voiture du trésorier ouvre la route et doit ramener le numéro du dossard qui gagne une prime. Le camion balai a reçu l'ordre de rester derrière le dernier coureur.
De nombreuses crevaisons et défaillances mécaniques contraignent des coureurs à grimper dans la caisse du camion balai. Un peloton de vingt, suivi d'un groupe de quinze, entame les trois circuits locaux. Au dernier tour, un coureur fausse compagnie et parvient à maintenir une avance respectable sur ses poursuivants, pour passer la ligne d'arrivée en vainqueur. Il s'agit d'Edgard Decaluwé, de Denderwindeke qui s'illustrera plus tard en gagnant Bordeaux-Paris.
Aujourd'hui, âgée de 98 ans, la tenancière du local se souvient que les représentantes de la rue de la Station, les deux sœurs, Halin Julia et Mathilde, accompagnées de leurs maris, Georges Bascour et Joseph Spruyt, ont rehaussé de leur présence, en toilette, la remise des prix.
Dans la tente, il y avait bal le soir. A l'entrée dont le prix était fixé à un franc, le préposé mettait un cachet sur la paume de la main, et pour les filles, qui n'avaient pas l'autorisation des parents, sur la cuisse. Il fallait s'acquitter de dix centimes, pour trois danses de style différent; par exemple une valse, un slow, un fox-trot. Au repos, les couples marchaient dans le sens des aiguilles d'une montre, et quand ils avaient payé pour les trois prochaines danses, un coup de sifflet donnait le signal à l'orgue de débiter ses ritournelles.
Ceux qui désiraient se reposer avaient à leur disposition des tables pour quatre personnes et pouvaient se désaltérer.
Bien que sa mère Julie, lui avait explicitement interdit de s'y rendre, Remi y alla quand même à la dérobée, car il savait qu'il pourrait y retrouver ses amis. Il espérait y rencontrer Delphine ou Marthe, quoiqu'il ait juré de ne plus regarder les filles. Il fut terriblement désenchanté, quand il aperçut Michel qui tournoyait avec Marthe dans ses bras. Soudain, il vit son frère Alphonse qui s'évertuait à danser une Java avec sa bonne amie. Alphonse l'avait vu et lui cria que Clarisse danserait volontiers un tango avec lui. Clarisse Louchon avait un béguin pour Remi mais, lui, ne voulait pas de son amour, parce qu'elle était laide à faire peur. Comme il avait transgressé l'interdiction de sa mère, il craignait qu'Alphonse veillerait bien à ce qu'une fessée lui soit administrée lors de son retour à la maison. Aussi supplia-t-il ses connaissances, de ne rien rapporter à sa mère. Alphonse devait être bien luné, car il promit de se taire, mais il ajouta quand même, d'un air pédant : ce n'est pas ici la place d'un gosse. Remi acquiesça, et comme son art dansant était en dessous de zéro, il sortit dans la rue qui grouillait de voisins fêtards. Il s'arrêta à la baraque à frites où Frans lui donna, pour un franc, un gros paquet de frites avec une cuillerée gratuite de pikkels. En chemin, il rencontra Camille qui vendait des amandes grillées et des œufs durs.
Lundi 4 août.
Vers 14h, les concurrentes commencent à venir chercher leur sac. Viennent s'inscrire : les Irma Dasseleer, Julia Levez, Joséphine Nierhaussen, Victorine Hendricx, Jeanne Vanheghe, Angèle Boulanger, Colette Dannau, ...
La ligne de départ a été tracée en face de la maison du délégué de la Mutuelle catholique, rue de la Fontaine, Victor Vanholder. La ligne de départ des coureurs, tracée sur le sol, servira d'arrivée à cette compétition.
La distance de 80 mètres est parcourue en des styles différents : l'une adopte le sautillement, l'autre essaie de marcher à petits pas, mais il n'est pas étonnant que bon nombre de participantes perdent l'équilibre et atterrissent de toutes les façons possible. Cela ne les empêche pas de se relever et de continuer.
En échange du sac, elles recevaient un bon pour un goûter qui consistait en tasses de café et tartes à matons.
Entre temps le MAT DE COCAGNE avait été érigé, et il fallut la surveillance de trois commissaires pour que les jeunes ne commencent à grimper avant l'heure. Le mât était enduit d'une épaisse couche de savon mou, ce qui empêchait le postulant d'atteindre, au sommet, la roue de vélo à laquelle étaient suspendues les enveloppes, le bon pour.
Germain avait un maillot et une culotte de coureur cycliste; à l'arrière du maillot la poche de droite était bourrée de sable blanc, la poche de gauche contenait de la terre argileuse. Dès que sa progression était arrêtée, il courrait chez lui, se ravitailler dans deux seaux qu'il avait préparés à cet effet.
Chacun à son tour, d'après l'ordre d'inscription, pouvait tenter sa chance et décrocher une enveloppe, jusqu'à épuisement.
Chez l'épicière, les sacs de morceaux de couques se vendaient facilement. Jeanne soutenait qu'ils contenaient encore plein de couques entières, ce qui ne correspondait pas nécessairement à la réalité. Pierre, qui avait acheté un sac, reprocha à Jeanne que c'était une fieffée menteuse, car je n'ai pas trouvé une seule couque entière dans mon sac.
Au café, on débitait du faro au tonneau, et on recevait pour le même prix un morceau de poisson séché (stock vis) qui stimulait évidemment la soif.
Achille et Ida chantèrent : Daarbij die molen, die mooie molen, daar woont een meisje ... (4), Alleen is maar alleen (5), Ik zou willen een jongen zijn (6 ), Twee meisjes waren zo jaloes (7), Ik ben een meisje zo schoon en wel (8), De naaimachine (9), Het liedje van de Carnaval (10), Als het regent onder de paraplu (11), Alleman zwelt op (12), Drink, drink, drink ze maar uit (13), avec beaucoup de succès et ainsi chacun put ressentir une satisfaction non dissimulée.
Tard dans la soirée, nous nous promenions encore dans la rue qui était éclairée par des lampions, pots en terre dans lesquels brûlait une bougie.
Doucement le crépuscule fit place à la nuit, la rue se vida et seule la fumée de l'extinction des bougies, nous rappela encore ces merveilleuses journées de la Kermesse du Tram.
Jules DURAN.
Le tram à Enghien vers 1940-1950 | ||
Gare d'Enghien | Gare du tram Actuellement Handy Home Wielant |
Rue du Viaduc |
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(1) La Société, Guidon Club Enghiennois fut fondée au Café du Tram en 1928 et elle émigra à l'Hôtel de la Gare en 1932, tenu par Duran Pierre.
(2) Rue au lait, était un petite rue sans issue, qui donnait sur la rue de l'Yser.
(3) Cabas, mot d'origine espagnole désignant un sac à provision.
(4) Près de ce moulin, ce beau moulin, habite une fille ...
(5) Seul, c'est quand même seul
(6) Je voudrais être un garçon
(7) Deux filles étaient tellement jalouses
(8) Je suis une fille, si belle, si bien
(9) La machine à coudre
(10) La chanson du carnaval
(11) Quand il pleut sous le parapluie
(12) Tout le monde grossit
(13) Buvez, buvez, videz-les à fond
Source : Cercle royal archéologique d'Enghien - Bulletin trimestriel n° 65-66 - Avril 2010 - pp. 9 à14.