A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
Pour de nombreux Enghiennois ce mur fait de moellons bétonnés et les escaliers sur cette élévation du sol, au centre duquel est implanté une ouverture fermée solidement par une grille d'acier, elle-même complétée par un treillis pour éviter l'amoncellement des déchets à l'intérieur du couloir, ne préconise en rien la présence en ce lieu d'une glacière à glace naturelle (1).
Photo Gérard Ghyssens (2015)
Pour en connaître l'origine, rappelons-nous que cette zone connue aujourd'hui sous le nom de « Petit Parc » faisait partie jusqu'en 1914 du Parc d'Enghien, alors propriété de la famille d'Arenberg, qui décida d'offrir cette partie du domaine (2) à la ville en remerciement des services rendus par les Enghiennois à la sérénissime Maison.
Il est donc normal de trouver dans cette zone à la fois proche des étangs, du château et de la ville, cette implantation qui pouvait répondre jadis aux besoins de la population, de disposer de glace pour un malade en plein été, mais aussi pour les cuisines du domaine, la conservation des aliments et le rafraîchissement des boissons. La glace était alors récoltée en hiver sur les étangs, sciée en blocs placés dans la glacière que l'on fermait par une porte en bois, après avoir soit jeté de l'eau pour souder la glace ou avoir placé avec précaution de la neige de façon à assurer une conservation parfaite. La grille toujours en place aujourd'hui pouvait alors être fermée jusqu'à la première utilisation. La date de construction de cette implantation n'est pas déterminée avec précision. Pour cela, il serait intéressant de consulter les archives de la famille d'Arenberg et celle des hôpitaux enghiennois dans l'espoir de trouver des renseignements mentionnant cette utilisation pour l'un ou l'autre cas de maladie.
Toutefois, celle-ci aujourd'hui désaffectée et comblée de gravâts, date du milieu du XVIIIe siècle (3) et est classée dans la catégorie « ordinaire » bien qu'étant une des plus importantes de Belgique. Mais rien ne confirme ces dates faute de documents.
Le diamètre intérieur de la cuve fait cinq mètres au point le plus large, c'est-à-dire juste à la limite du remplissage avec les gravats. Pour la construction du dôme, encore en parfait état aujourd'hui ou la brique de campagne de type espagnol a été largement utilisée, tandis que pour le bas de la cuve, c'est-à-dire la partie cintrée, fonction de ce que nous pouvons en voir actuellement, juste au dessus du remblaiement, ce sont des blocs de schiste qui forment la maçonnerie.
La profondeur de cette cuve n'est pas mesurable mais atteint cinq à six mètres (la dimension sera vérifiée lorsque le déblai sera effectué). Pour accéder à la cuve, un couloir d'une longueur de quelques mètres, divisé en deux parties (voir photo ci-dessous) ont les voûtes en briques espagnoles encore en bon état de conservation. La première porte qui fermait la glacière et assurait une bonne conservation de la glace était en bois et souvent dans cette partie du couloir, des fagots de bois étaient empilés pour augmenter l'isolation thermique.
La fermeture extérieure était, elle, assurée par une grille toujours en place à ce jour. Nous pouvons aussi constater que la sortie de cette glacière est située au nord de façon à éviter que l'ensoleillement de cette partie ne soit excessif et négatif pour la conservation de la glace. L'ajout d'une zone boisée n'est pas indifférent à ce fait depuis sa création.
Photo Gérard Ghyssens (2015)
Pour le décor extérieur fait de rocailles et les deux escaliers partant des avenues vers le sommet de la glacière, ainsi que ceux implantés sur la Motte de Brabant à l'autre extrémité du Petit Parc, leur construction date de l'année 1945 et sont l'oeuvre de prisonniers allemands. Une carte postale des années 1930, reproduites ci-après, nous montre l'Avenue Elisabeth sans départ d'escaliers.
Aujourd'hui cette construction a été proposée à la restauration grâce à l'initiative de MM. Michel Demoortel et Jacques Mignon. Une demande a été introduite dans ce sens auprès des services de la Ville, de l'A.D.L. Cette proposition a reçu un avis favorable des autorités enghiennoises qui pour la concrétisation sont dans l'attente de la demande d'autorisation des services compétents de la Région Wallonne, en l'occurrence ceux du Petit Patrimoine Wallon pour la subsidiation.
Jean Leboucq - 23 mars 2009
(1) La glace naturelle est celle qui est produite par la nature et uniquement en hiver sur les étangs ou des zones volontairement inondables que l'on réservait à cet effet, soit des marais ou des vasières.
(2) La partie offerte s'étend des Arcades qui séparent la Place du Petit Parc jusqu'au vieux Cèdre englobant ainsi le terrain de football d'Enghien et allant jusqu'à l'arrière de l'Institut Albert Ier et la zone entre les deux rues, celles de St Quentin et Leman, en longeant la partie restante des murailles pour revenir aux Arcades.
(3) Dans le livre des journées du Patrimoine, édition 2000, concernant Enghien, la glacière est mentionnée comme ayant été construite dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Source : Bulletin trimestriel du Cercle Royal Archéologique d'Enghien n° 61/62 - mai 2009 - pp. 20-23.
Un site intéressant pour mieux comprendre le fonctionnement des glacières et l'utilisation de la glace : "Les glacières du château de Chantilly".
Quelques autres photos (Noëlla Slingeneyer et Armand Demptinne)