A la découverte d'Enghien par d'autres chemins
Les autochtones d'Enghien portent le surnom de Titje van Engen.
A Enghien correspond Edingen en flamand. La langue populaire a toutefois escamoté la syllabe flamande di.
Jean-Théodore de Raadt relève que ce prénom pourrait provenir de Baptiste, Tistje, Titje, quoique la forme familière est plutôt Tisse. Il croit y voir le diminutif de Jean-Baptiste et note que la date de la kermesse est fixée à la fête de Saint Jean-Baptiste, mais que le patron est Saint Nicolas. "Les gens des localités environnantes, ne manquent aucune occasion de gratifier les citadins d'un "Bonjour Titje" ou "Voilà un Titje van Engen".
René Goffin explique que "le sobriquet leur est venu d'abord du couvent des Carmes, jadis bâti sous l'invocation du Précurseur non pas dans l'agglomération, mais au-delà des remparts, parmi les cultures, s'offrant comme en hors-d'œuvre aux yeux des campagnards, et d'autant plus remarquable qu'ils pouvaient vénérer dans l'église des moines, une statue du saint qui passait pour être d'origine miraculeuse. Quand, dévasté par les Gueux en 1566, par une terrible tempête en 1572, incendié pour raison militaire en 1578, ses habitants durent s'abriter dans la ville ; ils désignèrent au souvenir de l'emplacement de leur maison, en y édifiant une modeste chapelle close. Mais derrière son grillage, on apercevait, sculptée et peinte avec le réalisme de nos artistes de l'époque, la tête sanglante, aux yeux révulsés, du saint décollé, posée sur son plat".
Il convient de rappeler que Saint Jean-Baptiste est le patron de la ville et que Saint Nicolas (succédant à Saint Eloi) est celui de la paroisse. La fête de Saint Eloi revient deux fois l'an : le 11 décembre, fête d'hiver, jour anniversaire de sa mort vers 1260, et le 25 juin, fête d'été, jour anniversaire de la translation de son corps. Or, il se fait que le 24 juin est la fête de la Nativité de Saint Jean-Baptiste. L'on ne s'étonnera point, dès lors, que de nombreuses manifestations se déroulaient à l'occasion de la fête du saint patron de la ville qui, à un jour près, correspondait à celle du saint patron de la paroisse, ni que ce jour marque de son empreinte certains faits qui se sont produits dans la cité, comme si l'on pouvait y percevoir un talisman rattaché à son nom.
Ernest Matthieu relève à ce sujet : "La plus importante fête était la kermesse qui se célébrait le dimanche après la nativité de Saint Jean-Baptiste … Une procession générale autour de la ville, pendant et après laquelle les membres de la Chambre de Rhétorique jouaient divers mystères, parcourait la ville… Dès les premières années du XVIIe s., ces représentations ne furent plus autorisées pendant la procession, mais elles eurent lieu, après sa rentrée sur un théâtre dressé sur la place du marché… Ces solennités ne manquaient pas d'attirer en ville une foule considérable de spectateurs et avaient assez d'analogie avec les Ommegang des cités flamandes… La procession de la kermesse, même après que les représentations des mystères furent prohibées, resta un des plus beaux cortèges religieux de notre province, par sa richesse, l'ordre qui y régnait et l'affluence des pèlerins qui venaient de très loin l'admirer. Outre les nombreux prêtres qui l'accompagnaient, on y voyait figurer les corporations monastiques et religieuses de la ville et des environs, les membres des divers serments revêtus de costumes éclatants portant leurs armes et précédés de leurs bannières, les corps de métiers avec les châsses ou fiertés de leurs patrons, les enfants des écoles, la Confrérie rhétoricienne qui représentait sur des chars des scènes bibliques. Le magistrat avec ses aides, le bailli et ses subordonnés tenaient à rehausser par leur présence, la pompe de cette cérémonie."
Et, sans doute, n'est-ce pas l'effet du hasard que le renouvellement du Magistrat avait lieu le 23 juin, veille de la fête communale. Et encore, que le jour de la nativité de Saint Jean-Baptiste était choisi pour introniser le curé d'Enghien, et coïncidait généralement à la nomination des écolâtres de la ville. A relever aussi qu'en 1499, la plus grosse cloche du carillon d'Enghien, portait avec le blason de la ville, le nom de Saint Jean-Baptiste, et enfin, que la plus ancienne des confréries militaires chargée de la défense et de la police de la ville, avait pour patron Saint Jean-Baptiste. On sait qu'en de graves circonstances, le bailli pouvait appeler à la rescousse des citadins, les villageois de la seigneurie. On peut imaginer la gaieté de ces derniers, obligés de quitter foyers, étables et champs ... « Och ia, ik moen weer ne kie de wacht doen in de ploch van nen Titje » (Et oui, je dois à nouveau monter de garde à la place d'un Titje).
De tout quoi, il apparaît que le nom de Saint Jean-Baptiste est loin d'être étranger aux citoyens d’Enghien et l'on comprendra mieux ainsi, le très honorable surnom des ENGHIENNOIS !
Source : Jules DURAN - Surnoms Enghiennois - Cercle royal archéologique d'Enghien - Bulletin trimestriel n° 63/64 - novembre 2009, pp. 6- 19.
Suivant Bernard Roobaert, dans le bulletin du Cercle royal archéologique d'Enghien n° 9 -12/95 - de décembre 1995 :
Dans Les Sobriquets des communes belges, J.-Th. De Raadt relevait que les Enghiennois étaient qualifiés de titches, mais sans fournir d'explication de ce terme. C'est R. Goffin qui a fourni le premier une explication : titche serait une abréviation du prénom Jean-Baptiste, fort en honneur à Enghien, entre autres en raison de la présence du monastère des Carmes, dédié à Saint Jean.
On peut émettre des doutes à propos de cette explication. Pourquoi n'avoir pas choisi plutôt Saint Nicolas, patron de la paroisse, ou encore Saint Eloi ?
En outre, le Dr. J. Reygaerts a bien voulu nous confirmer que les données dont il disposait sur la fréquence des noms de baptême, ne montraient aucune prédominance remarquable du prénom Jean-Baptiste par rapport aux autres.
Enfin, l'abréviation flamande commune de Jean-Baptiste est Tist ; son diminutif donne Tichn (avec n mouillé).
Il nous semble que l'explication est tout autre. J. Vannérus a fait en 1949 une communication à la Commission de Toponymie et de Dialectologie sur Les termes employés autrefois dans nos régions pour distinguéer Flamands et Allemands des Wallons et des Romans. L'auteur signale des noms de lieu qui ont reçu le déterminatif tiche (= thiois). On peut citer ici Audun-le-Tiche dans le département français de la Meuse (sn pendant, à 12 km, s'appelle Audun-le-Roman). Montenaken, commune sur la frontière linguistique, s'appelait en 1261, Montigni le ties ; par la suite, elle a perdu ce nom wallon.
Vannérus cite également des exemples de l'adjectif tiche, d'abord appliqué à des personnes, puis comme patronyme.
L'auteur relève ensuite un détail qui nous intéresse particulièrement : dans le Hainaut, l'appellation tiche est limitée à l'Est de la province. La ligne qui sépare tiche de flameng passe... à l'ouest d'Enghien.
Dès lors, il nous semble que l'explication est simple : les Hennuyers ont qualifié les Enghiennois de titches parce que la population de la ville parlait, dans sa très grande majorité, un dialecte flamand. En d'autres termes, c'étaient des petits Flamands. Le diminutif n'a rien de dénigrant ; c'est bien plutôt une marque d'affection, comme le célèbre Ketjes que portent les habitants de la capitale.