• La Procession Saint-Sauveur de Petit-Enghien

     

     

    L'église Saint-Sauveur de Petit-Enghien

     

    Procession de Petit-EnghienL’église de Petit-Enghien a été édifiée vers l’an 1100, en style roman, en utilisant les pierres locales de grès schisteux, pierres très solides. De cela, il ne reste que l’entrée et la tour avec ses contreforts. Au Moyen Âge, seules les demeures réservées aux seigneurs locaux et les églises étaient bâties en matériaux solides. Les masures campagnardes et les fermes étaient en torchis et toit de chaume. Les églises étaient entourées du cimetière clos par un mur. Plus tard, le bâtiment a été agrandi en utilisant la brique et le clocher a été surmonté d’une flèche.

    Celle-ci s’écroula le 1er août 1674 lors d’une violente tempête et détruisit la charpente et il fallut 10 ans pour reconstruire le bâtiment. Les nefs et le chœur ont été rebâtis en 1777 en conservant les anciennes fondations. Nous avons heureusement une indication décisive : 1778 est gravé dans la face sud de la colonne rectangulaire se trouvant immédiatement à droite, dès que l'on a franchi la double porte qui sépare l'intérieur de l'église du porche d'entrée. La bénédiction de l'église restaurée a eu lieu le 9 novembre 1778. La date du 9 novembre est à mettre en relation avec la dédicace au Saint-Sauveur. Ce jour est, en effet, celui où l'on célèbre la dédicace de la basilique du Très Saint Sauveur à Rome, encore appelée basilique du Latran.

     

    La Procession Saint-Sauveur de Petit-Enghien

     

    La longueur totale est de 37 m, la largeur de 15 m. Le chœur fait 10 m de long sur 6 de large.

    Dans la nef latérale gauche, la statue de la Vierge Marie, tenant son fils sur le bras gauche, d'allure espagnole : la tête et le tronc en bois, montés sur un ensemble de cerceaux servant de pieds et permettant un habillement très décoratif. Elle pourrait dater de la fin du seizième siècle.

    La Procession Saint-Sauveur de Petit-EnghienA droite, la statue du Saint-Sauveur, vénérée à Petit-Enghien depuis très longtemps; elle est du dix-septième siècle. Cette statue présente le Sauveur esquissant un mouvement de marche, la jambe droite légèrement avancée, comme pour exprimer cette volonté d'aller à la rencontre de ceux qui viennent à lui. La main gauche porte une sphère terrestre, signifiant qu'il est sauveur du monde; la main droite est levée, dans un geste de bénédiction manifesté par les trois doigts qui se rejoignent. Les pieds sont nus, selon la tradition statuaire médiévale.

    D’autres statues témoignent encore de la foi des chrétiens vénérant des saints souvent protecteurs ou guérisseurs, comme saint Roch (vénéré par les ouvriers carriers et pour éviter les maladies infectieuses), sainte Rita priée pour les causes perdues, etc.

    Au sol, des pierres tombales : il était fréquent que les nobles ou les notables (grands censiers, mayeurs et échevins, prêtres) se fassent enterrer dans l’église.

    Les fonts baptismaux : en pierre bleue du XIIe siècle.

    L’élément essentiel du chœur de l’église est son ancien maître-autel surélevé et surmonté d’un tabernacle tournant, destiné à présenter l’ostensoir, drapé d’une tente (illustrant ainsi la tente sous laquelle les Juifs protégeaient la Torah) ; c’est là qu’avant le Concile Vatican II le prêtre célébrait en tournant le dos au peuple. Au-dessus de cet autel en bois peint et de son tabernacle se trouve une peinture illustrant le Christ en croix. Plus haut encore le symbole du Père : un Delta grec comprenant un œil rayonnant et sous un baldaquin circulaire le symbole de l’Esprit. Ainsi, la Trinité est représentée.

    Le tout est inclus dans un haut retable qui épouse l’abside entièrement. Il date du XVIIIe siècle. De bois enduit de peinture imitant le marbre, il est marqué par quatre colonnes torsadées peintes en blanc et surmontées de chapiteaux dorés.

    Les murs du chœur sont lambrissés de chêne. Quatre portes s’y découpent et au-dessus de chacune d’elles, une ornementation d’allure florale.

     

    Source : L'église Saint-Sauveur à Petit-Enghien - Contribution à son histoire - Michel DAYEZ - Curé de Petit-Enghien.
    Annales du Cercle Archéologique d'Enghien, Tome XXIV, 1987, pp. 59-86.

     

     

    Procession de Petit-Enghien

     

    Les cavaliers de Saint-Sauveur

     

    Lors des sorties de la .procession du village, les cavaliers de Saint-Sauveur chevauchent en avant-garde. Leur origine est, dit-on, très ancienne; peut-être même, pour la trouver, faudrait-il remonter jusqu'au Moyen-âge. En cette époque de foi profonde, les serments d'archers, d'arbalétriers ou d'escrimeurs – et quand vint la Renaissance ceux des arquebusiers – escortaient les processions, non seulement pour honorer le Saint-Sacrement ou leur vénéré patron, mais aussi pour protéger la pieuse colonne qui traversait des campagnes peu sûres. Un temps vint cependant où ces serments, chargés de défendre la commune à laquelle ils appartenaient, cessèrent d'exister en tant que véritables compagnies militaires; ils n'avaient plus cette raison d'être par suite de la création d'une armée telle qu'on l'entend aujourd'hui.

    S'étant mués en associations dont le but était purement sportif et récréatif, ces serments subsistèrent plus ou moins longtemps. Quelques-uns, comme on sait, se sont maintenus jusqu'à nos jours. Nantis de leur nouveau caractère, ils continuèrent pourtant à escorter les processions. Quand, dans certaines localités de notre pays, survint pour une cause quelconque la dissolution définitive d'un de ces serments, il fut spontanément remplacé par un groupe de paroissiens (piétons ou cavaliers) lesquels tenaient fort à ce que leur procession conserve sa garde d'honneur. Tel fut sans doute le cas pour Petit-Enghien où exista jadis un serment d'archers.

    Le grand tour de la procession de Petit-Enghien (ou tour Saint-Sauveur) se fait le lundi de la Pentecôte, jour de la ducasse du village. Le petit tour a lieu le deuxième dimanche après la Pentecôte; l'on y voit moins de cavaliers. Il faut dire que le pieux cortège est alors moins important.

    Procession de Petit-EnghienJusqu'en 1914, pour être cavalier de Saint-Sauveur, il suffisait de chevaucher à l'avant-garde de la procession paroissiale. Comme aujourd'hui encore, certains cavaliers prenaient part au grand tour Sainte-Renelde, procession entièrement équestre qui passe d'ailleurs sur le territoire de Petit-Enghien. Plusieurs messes étaient dites chaque année à l'intention de tous les cavaliers. Leur ancienne banière portait une branche fleurie en fils d'or. Sous cette broderie, exécutée à la manière du 18e siècle sur fond rose, se lisait l'inscription : « Société des Cavaliers de Saint-Sauveur ». La hampe était peinte en bleu clair.

    La cavalerie de Saint-Sauveur n'avait jamais eu de comité directeur régulier. Après la première guerre mondiale, elle s'organisa militairement, prit le nom d'Escadron Saint-Sauveur et se donna des statuts (*). Beaucoup de fermiers de Petit-Enghien avaient acheté des chevaux de selle ou d'artillerie mis en vente par l'armée anglaise après la victoire de 1918. La présence de ces chevaux ne fut pas sans influence sur la création de l'Escadron Saint-Sauveur.

    (*) Datés du 3 février 1921, ceux-ci ont même été imprimés. Ces statuts ne contiennent pas la moindre allusion à la participation de l'Escadron au grand tour Saint-Sauveur, prestation de loin la plus importante de la cavalerie. Sauf pour la procession de Sainte-Renelde, la présence des cavaliers à l'une ou l'autre fête, dans quelque village voisin, était plutôt exceptionnelle.

     

    Procession de Petit-Enghien

     

    La nouvelle société définit son but: « Excursions et fêtes ». Elle choisit comme lieu officiel de réunion le Salon Saint-Sauveur situé sur la place du village. Le comité fut composé d’un président d’honneur, d’un président (François De Doncker), de deux vice-présidents (Louis Derycke et Georges Lebrun), d’un trésorier (Joseph Huylenbroeck), d’un secrétaire (Paul Balot ), de quatre commissaires (Georges Crohain, René Regibo, Albert Vos et Désiré Cornet), d’un porte-étendard (Victor Borremans).

    Selon les statuts, l'Escadron devait être doté d'un drapeau « aux couleurs de la Société » (blanc et vert) et portant l'inscription « Escadron Saint-Sauveur ». Ce drapeau, ou plutôt ce fanion, est en réalité de teinte verte ; on y lit ces mots : « Cavalerie Petit-Enghien ». li fut décidé qu'en cas de dissolution du groupement, le drapeau serait remis à l'administration communale « pour le musée de la commune » (*). . L'on convint qu'un insigne (**) en forme d'écusson devait être porté par les membres durant les réunions et les sorties de la cavalerie. Il fut encore acté dans les statuts que lors du décès d'un sociétaire, et sauf empêchement justifié, tous les membres seraient tenus, étendard présent, d'assister aux obsèques.

    (*) Celui-ci d'ailleurs inexistant.
    (**) Cet insigne est en cuivre émaillé. L’écusson qu'il représente est vert avec bordure dorée. Une bande transversale blanche porte l’inscription « Cavalerie Petit-Enghien » ; les lettres sont dorées ainsi que les deux filets qui longent la bande.

     

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

     

    Bien que sans armes (de parade évidemment !), les membres de la Société avaient une certaine allure martiale due principalement à leur képi mi-blanc mi-vert. On les appelait d'ailleurs « les Blanc-Vert », ce qui leur valut parfois le nom de « blanc-vert ». . La plupart portaient une écharpe blanche nouée à la taille et les culottes blanches étaient nombreuses. Un ou deux drapelets de pélerinage (*) ornaient la tête des chevaux. L'un des vice-présidents commandait l'escadron; il y avait d'autres gradés et même quelques trompettes. Les simples cavaliers tenaient chacun la hampe d'un petit fanion. Le dimanche 17 août 1930, Petit-Enghien célébra dignement le centenaire de notre indépendance. Le clou des festivités fut la sortie d'un cortège historique et patriotique où l'on vit, représentés par l'Escadron Saint-Sauveur, « différents détachements de notre cavalerie d'avant-guerre ». Ce groupe se fit vivement remarquer par sa belle allure.

    (*) Ces drapelets étaient en papier et il s’agit évidemment ici du pèlerinage à Saint-Sauveur.

    A l'époque où la cavalerie de Saint-Sauveur s'organisa militairement, soit en 1921 comme nous l'avons dit, beaucoup de cavaliers participaient au grand tour de la procession. Mais depuis la dernière guerre, leur nombre a très sensiblement diminué. La chose est due en grande partie à la mécanisation de l'agriculture d'où une évidente diminution des chevaux dans les fermes. Il va sans dire que les chevaux de labour ont presque toujours constitué le gros de la cavalerie Saint-Sauveur.

    La Société de l’Escadron Saint-Sauveur s’est pratiquement dissoute vers 1955. Depuis lors, on en est revenu au système d’antan, c’est-à-dire que quiconque s’en va chevaucher à l’avant-garde de la procession est par le fait même « cavalier de Saint -Sauveur ».


    Sources :

    • Jean Godet - Jadis à Petit-Enghien ou Prospection dans le passé de ce village - 1967 - pp.164-166.
    • Annales du CRAE, tome 11, pp. 316-318
    • Crédit photos : La Cavalerie de Petit-Enghien (Facebook).

     

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

    Procession de Petit-Enghien

     

     

    La procession du Saint Sauveur

    « De l'art de la procession... »

     
    Procession de Petit-Enghien« Lundi de Pentecôte, procession du "Saint Sauveur" à Petit-Enghien, l'une des douze paroisses dont je suis le curé. Après la messe de 9h30, nous nous sommes mis en route derrière les cavaliers qui ouvraient la marche, les groupes qui représentaient des scènes évangéliques, les porteurs de statues, les jeunes qui viennent de faire profession de foi, et enfin les porteurs de flambeaux encadrant le "dais" sous lequel, par alternance, mon vicaire Honoré et moi-même avons porté le Saint Sacrement. Longue procession de plus de deux heures, sous le beau soleil printanier. Beaucoup de monde dans les campagnes, des curieux mais surtout des "pieux", qui avaient décoré leur maison et s'agenouillaient au passage du Seigneur. Une piété, en effet, simple mais sincère. Beaucoup de ces personnes ne viennent guère à l'église, mais ce matin l'église sortait vers eux et après tout c'est bien le moins. Les gens sont attachés à ces manifestations, et je les comprends. Je sais que certains parlent de "folklorisation" du religieux. Et après? Si le cœur de quelques-uns est touché, alors tout va bien, et nous n'aurons pas processionné en vain. Honoré, mon vicaire Africain, était impressionné : "On ne voit pas ça comme ça chez nous, ces maisons décorées", me disait-il... Il est vrai que notre vieux continent a encore de la mémoire chrétienne, et je me souviens d'un mot de Marie Noël dans ses magnifiques Notes Intimes, qui se demande ce qui resterait aux gens pour fêter, vraiment fêter leur vie, si on leur ôtait ces fêtes religieuses, déjà qualifiées, à son époque, de "folkloriques". Elle répond : "Des discours de ministres, et des chevaux de bois!" Tu parles d'une fête! Ce que nous proposons dans nos campagnes n'est peut-être pas parfait, mais au moins on y touche à du sacré, à de la sacralité, à du sacrement. Et les gens, les petites gens, ne s'y trompent pas. Ils sont souvent nos vrais juges...».
     

     

    Source : Extrait de Rendez-vous avec Benoît Lobet - De l'art de la procession... - 24 mai 2014