• Brownsea, berceau du scoutisme

     

    AVANT-PROPOS

     

    Brownsea, berceau du scoutismeLe camp de BROWNSEA, a été le point de départ «visible» du Scoutisme. Mais exactement comme un papillon qui sort de sa chrysalide, il a été précédé d’une gestation et d’une maturation qui prouvent à la fois la similitude des problèmes des jeunes au début du XXème et au début du XXIème siècle, et la permanence de l’actualité de la démarche de Robert BADEN-POWELL qui a su apporter une réponse pertinente et toujours actuelle à ces problèmes.

    Le «problème des banlieues» surtout perceptible actuellement en France, la Grande-Bretagne le connaissait, il y a un siècle. Au cours de sa carrière militaire, aux Indes d’abord, plus particulièrement en Afrique du Sud (Guerre des Boers) ensuite, cet officier a pu se rendre compte combien les jeunes, une fois motivés autour d’une tâche concrète, pouvaient assumer avec efficacité leurs responsabilités et en sortir grandis. L’épisode de MAFEKING, où il créa avec eux un corps d’estafettes efficaces déchargeant les adultes de tâches qui les empêchaient d'en accomplir d'autres dans la défense de la ville, en est l’illustration la plus exemplative. Mais faisant partie de l’establishment britannique, cet officier (d'où sa référence à l'honneur) anglican (d'où sa référence à Dieu ou tout le moins à la croyance en un Être Supérieur) et franc-maçon (d'où la notion de progression initiatique) était inquiet de voir l’avenir de l’Empire Britannique menacé par les «effets collatéraux» de la révolution industrielle : une jeunesse désoeuvrée, le chômage galopant, etc. N'oublions pas que nous sommes à l’époque décrite par Charles DICKENS.

    BP décide alors de mettre son expérience de meneur d’hommes au service de cette cause, et élabore le projet d’une pédagogie permettant de faire de ces jeunes des adultes au service de l’Empire, non pas pour en faire des esclaves de l’establishment, mais pour ensemble, toutes classes sociales confondues, « fils de pauvres, fils de rois » (comme dans le « Cantique des Etoiles ») devenir les acteurs d’un monde nouveau, fraternel.

    C’est toute la période « chenille » et « cocon » du scoutisme : le camp de BROWNSEA sera le déploiement des ailes du jeune papillon sortant de son cocon. Mais dont la vie sera bien plus longue et bien plus riche que celle d’un papillon : très rapidement, le scoutisme débordera de l’île d’Angleterre pour se répandre dans le Commonwealth, puis en Europe, puis dans le monde entier (*). Mais ça, comme disait Rudyard KIPLING, grand ami de Robert BADEN-POWELL , c’est une autre histoire…

    Yves DETON ("Okapi")(†)

    (*) Aux chiffres mentionnés à la fin du texte ci-dessous, il convient d'ajouter ceux d'associations pratiquant un scoutisme respectueux de la pédagogie de BP mais ne répondant pas aux critères de l'OMMS, tels que les Scouts d'Europe, des troupes non fédérées, etc. En France par exemple, plusieurs DIZAINES de fédérations se revendiquent du scoutisme sans être reconnues par l'OMMS : le bon grain y côtoie l'ivraie...
    YD

    Brownsea, berceau du scoutisme

    CE QUE LA PÉDAGOGIE SCOUTE A DE DIFFÉRENT...

     

    La pédagogie scoute proposée par son fondateur se différencie de celle des autres mouvements de jeunesse en ceci qu'elle est fondée :

    1) Sur la prise de responsabilités progressives, à la mesure de l’âge de chacun. Cela se traduit par l’attribution de responsabilités individuelles et par l’exercice de la réflexion et de la prise de décisions au sein de conseils adaptés à chaque tranche d’âge.

    2) Sur l’éducation des plus jeunes par les plus âgés, que l’on appelle aussi la « pédagogie de la grande sœur ou du grand frère » : dans une équipe de Guides ou d’Eclaireurs, la ou le responsable est une fille ou un garçon de 16 ans qui a sous sa responsabilité des adolescent(e)s de 12 à 15 ans. Les plus jeunes progressent en regardant le plus grand, qui est lui conscient d’avoir la charge des plus petits et de devoir montrer l’exemple.

    Depuis la fin des années 60/70, la "pédagogie de la grande sœur ou du grand frère" a été remplacée dans certaines associations par la "pédagogie du projet" avec le remplacement de la branche unique ("Eclaireurs") pour les 12-17/18 ans en deux branches : la branche "Eclaireurs" pour les 12-15 ans et la branche "Pionniers" pour les 15-17/18 ans. Les noms peuvent changer d'un pays à l'autre.

     

    LE CAMP DE BROWNSEA

    Brownsea, berceau du scoutisme

    Officiellement, c'est donc BROWNSEA qui est le véritable "berceau" du mouvement scout. Petite île boisée de 3 km de long sur 2 de large située dans le Sud-Ouest de l'Angleterre, près de l'île de WIGHT, ce premier camp scout s'est déroulé du 1er au 9 août 1907.

    Pour ce premier camp scout, BP voulait recruter 20 jeunes (*) de conditions sociales très différentes, fils de ses amis ou gamins recrutés par les soins de la Boys’Brigade (mouvement de jeunesse confessionnel, comparable à nos "Patros" catholiques)) de POOLE HARBOUR. BP propose à son amie, Lady RODNEY, de lui confier ses 3 garçons. Elle accepte et la famille se charge de recruter d’autres volontaires auprès de célèbres « public schools ». 2 autres enfants, fils de ses amis, arrivent des écoles « chics » comme HARROW, 2 autres de ETON, et 2 autres de CHELTENHAM. REPTON, WELLINGTON et CHARTERHOUSE envoient aussi chacune 1 représentant.

    Pour qu’il y ait un mélange effectif de classes sociales, BP lance la même invitation aux équipes des Boy’s Brigade de BORNEMOUTH et de POOLE. Il tient à observer le comportement de garçons issus de milieux très différents, seulement liés par des activités communes. 6 semaines avant le départ sur cette île, BP adressa une lettre (datée du 19.6.2007), à la section BORNEMOUTH, de la Boys’Brigade. En voici la teneur : «J’ai l’intention d’organiser un camp pour garçons dans le Dorsetshire, au début du mois d’août, du 1er au 8. Je serais heureux d’y inclure 6 garçons de la Boy’s Brigade, si vous me les envoyez. Rien ne serait à leur charge à moins que vous ne pensiez plus courtois d’agir autrement. Je me propose de leur apprendre la méthode «Scouting for Boys».

    Brownsea, berceau du scoutismeLa majorité des participants (*) à ce premier camp était donc des écoliers des faubourgs, enfants de fermiers et d’ouvriers, les premiers «cobayes», en quelque sorte. Pour pouvoir participer à ce camp, les garçons durent apprendre 3 nœuds, (nœud plat, noeud d’écoute, et demi-clef à capeler) et ce, d’après les dessins de BP.

    Avec l'aide de quelques anciens militaires, B.P. emprunta à l'armée un cuisinier, six lourdes tentes rondes de couleur blanche, des boussoles, des kilos de corde et de papier. Il remit à chaque garçon un long ruban bleu, vert, jaune et rouge afin de leur permettre de se regrouper en patrouille. Les 4 patrouilles formées à BRONSEA portaient les noms suivants : les COURLIS, les TAUREAUX, les CORBEAUX & les LOUPS. Les chefs de chacune des patrouilles se virent remettre un fanion sur lequel était peinte en vert la silhouette de l'animal emblème de la patrouille.

    B.P. était coiffé d'un chapeau de feutre mou sur lequel brillait l'insigne de bronze (fleur de lys) avec la devise "Be Prepared" du corps de police sud-africaine. Ses culottes courtes, mais encore bien longues - car elles ne laissaient apparaître qu'un petit morceau du genou - le rapprochaient des garçons vêtus de leur costume de tous les jours.

    Comme lits, on trouva des paillasses mais les garçons fabriquaient aussi, durant ce camp, des matelas selon les instructions de B.P. (on retrouve d'ailleurs ces instructions dans "Eclaireurs").

    B.P. avait avisé les parents que le camp mettrait l'accent sur le travail du bois, l'observation, la discipline, la santé et l'endurance, la chevalerie, le secourisme et le patriotisme. Quotidiennement, il y avait des exercices simples de conditionnement physique. Il y eut aussi plusieurs activités de pistage, d'affût et d'observation. Un officier de la garde côtière vint enseigner des techniques de noeuds, de sauvetage et de réanimation. A l'heure de la baignade, il y eut des jeux nautiques. Parmi les sports pratiqués, on note une sorte de base-ball adapté aux conditions du terrain ainsi que des combats de lutte. Le soir, B.P.racontait ses aventures à la lueur d'un feu de camp.

    Il y eut plusieurs concours, soit entre patrouilles, soit entre garçons eux-mêmes. Entre autres concours, celui qui récompensa la meilleure collection de feuilles d'arbres. Les garçons eurent à cuisiner leur repas sur des feux qu'ils avaient érigés.

    B.P. a fait appel à un ami de longue date, Kenneth Mc LAREN, avec qui il avait servi dans l'armée en Inde, pour l'aider à diriger ce premier camp.

    Brownsea, berceau du scoutismePour les rassemblements à BROWNSEA et pour les jeux de signalisation, B.P. utilisait une "corne de Kudu" qu'il avait acquise en Afrique, au Matabeland (aujourd'hui le Zimbabwe).

    Le temps passa si vite que la durée du camp initialement prévue dut être prolongée. Les 22 adolescents se rendirent vite compte qu'ils passèrent là, sur cette île les plus belles vacances de leur vie.

    Les comptes financiers de BROWNSEA laissent apparaître un déficit de 24 livres 11 shillings & 6 pences, mais n'est-ce pas insignifiant en regard de l'événement spectaculaire qui venait de se dérouler ?

    C'est à la suite de ce camp que fut édité, début 1908, le premier livre scout de B.P. intitulé "Scouting for boys", publié d'abord tous les 15 jours en fascicules. Cet ouvrage qui a déjà été traduit en 35 langues fut vendu à 110.000 exemplaires en l'espace d'une année. Des patrouilles de "boy-scouts" se formant d'abord spontanément à l'intérieur de l'Empire Britannique (Australie, Canada, Inde, Malte & Nouvelle Zélande) dès 1909, puis en-dehors de l'Empire en France dès 1911.

    Ce camp expérimental allait susciter immédiatement un réel engouement et draîna au fil des ans, des millions de jeunes de par le monde.

    Surpris par la qualité du scoutisme "exporté", B.P., dans une lettre datée du 10.09.1911 adressée à sa mère, lançait avec conviction : "Je crois fermement que le scoutisme deviendra bientôt un mouvement international".

    Depuis Brownsea en 1907, le bureau mondial du Scoutisme à Genève estime que 250 millions de scouts ont vécu la passionnante expérience du scoutisme Aujourd'hui le scoutisme est implanté dans 216 pays et regroupe 30 millions de scouts actifs.

    Philippe MALDAGUE ("Koala")
    Fondateur et Conservateur du
    Musée du Scoutisme International
    (Arlon, Belgique)


    Références bibliographiques

    B.P., le maître de l'aventure", de R. BASTIN, chez Marabout Junior, 1957
    250 MILLIONS DE SCOUTS, de L. NAGY, chez FAVRE, 1984
    Télé-Scout (revue scoute canadienne), n°68, février 1982
    Petite Histoire de B.P., de R. BASTIN, 1945 75 years of Scouting, edited by The Scout Association, 1982
    SCOUT, une piste pour grandir, de Martine DEGABEL, aux Presses de la Cité, 2007
    LES SCOUTS, de Jean-Jacques GAUTHÉ, coll. Idées Reçues, aux éd. du Cavalier Bleu, 2007

    Les photos illustrant le texte proviennent de la très belle collection publiée sur http://pinetreeweb.com/bp-pictures2.htm

    (*) Le nombre de participants


    Qui a participé au camp de BROWNSEA ? Combien étaient-ils exactement ? Ces questions divisent aussi les historiens du scoutisme. Pour les scouts, on parle de 20 garçons ou de 24 (4 patrouilles de 6), parfois de 30 ou plus. Il paraît à peu près certain, suivant les témoignages les plus dignes de foi (dont celui de BP lui-même), qu’il y avait en tout 20 garçons, répartis en 4 patrouilles de 5. Quant à l’encadrement permanent, il était constitué de BP, du major Kenneth Mac LAREN - qui avait servi avec BP au 13ème Hussards et qui lui servait d’assistant et de 2 capitaines des Boys’ Brigade : Robson & George GREEN. Donald BADEN-POWELL, le neveu du chef, était employé comme intendant (l’âge de Donald reste aussi une autre énigme, certaines sources avancent 9 ans). Rappelons que les Boy's Brigades étaient un mouvement de jeunesse confessionnel, un peu comme nos "Patros" catholiques.

    Identité des participants

    Staff :
    Robert BADEN-POWELL, 50 ans, chef de camp
    George GREEN, 48 ans, assistant, capitaine des Boys Brigade
    Kenneth MAC LAREN, 47 ans, assistant
    Henry ROBSON, 51 ans, assistant, capitaine des Boys Brigade
    Donald BADEN POWELL, 9 ans, ordonnance de BP

    Patrouille des Corbeaux :
    CP : Herbert BARNES, 16 ans, pensionnat de Charterhouse
    Herbert COLINGBOURNE, 15 ans, Boy’s Brigade de Bornemouth
    Humphrey NOBLE, 15 ans, pensionnat d’Eton
    William RODNEY, 10 ans, pensionnat , mort en 1915
    James TARRANT, 16 ans, Boy’s Brigade de Bornemouth, mort en 1911

    Patrouille des Courlis :
    CP : George RODNEY, 15 ans, pensionnat d’Eton
    Terry BONDIELD, 13 ans, Boys’ Brigade de Bornemouth
    Richard GRANT, Boy’s Brigade de Bornemouth
    Alan VIVIAN, 15 ans, Boy’s Brigade de Bornemouth
    Bert « Nippy » WATTS, 7 ans, Boys’ Brigade de Bornemouth

    Patrouille des Loups :
    CP : Bob WROUGHTON, 16 ans, le favori de BP, mort en 1914
    Cedric CURTEIS, 13 ans, pensionnat de Wellington
    Reginald GILES, 14 ans, Boys’ Brigade de Poole
    John Evans LOMBE, 11 ans, pensionnat de Cheltenham
    Percy MEDWAY, 14 ans, Boy’s Brigade de Poole
    Simon RODNEY, 12 ans (présence probable)

    Patrouille des Taureaux :
    CP : Thomas EVANS-NOBLE, 14 ans; pensionnat de Cheltenham – mort en 1994
    Bert BLANFORD, 13 ans, Boy’s Brigade de Bornemouth
    Marc NOBLE, 10 ans, pensionnat d’Eton, mort en 1917
    Arthur PRIMMER, 15 ans, Boy’s Brigade de Bornemouth
    James RODNEY, 14 ans, pensionnat d’Harrow

     

    Sources :

    archive.is - webpage capture
    Scoutopedia (scoutwiki.org)