• 18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    ACCIDENT DE CHEMIN DE FER

    Je vous livre ci-après les articles publiés dans le Patriote Illustré des 26 février et 5 mars 1899, relatifs à l'accident de chemin de fer survenu à Forest-Midi le samedi 19 février 1899. L'on remarquera le style particulier de l'époque (N.D.L.R. - Le Patriote Illustré donne la date du 18 alors qu'il s'agit bien du samedi 19).

    Plusieurs personnes originaires d'Enghien ont été tuées ou blessées lors de cet accident. Il est intéressant de découvrir les événements, mais surtout les noms et photographies des victimes, les "portraits". Voir le diaporama en fin d'article. 

     

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

     

    LA CATASTROPHE DE FOREST-BRUXELLES

     

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à ForestCette terrible catastrophe de chemin de fer s’est produite samedi matin 19 février (1) en gare de Forest-Midi.

    Le train de banlieue n° 2587, qui part de Tournai à 5 h. 22 du matin et qui doit arriver à Bruxelles-Midi à 8 h. 23, avait subi dans sa marche un retard assez important par suite d’un brouillard intense qui régnait sur la voie. Au lieu d’entrer en gare de Forest-Midi à 8 h. ¼ - l’heure réglementaire – il n’y arriva qu’à 8 h. 29, c’est-à-dire avec un quart d’heure de retard. Ce train se disposait à poursuivre sa route vers Bruxelles, quand le train direct 2427, qui part de Quiévrain à  6 h. du matin pour arriver à Bruxelles-Midi à 8 h. 36, est arrivé à la station de Forest-Midi – où il ne doit pas s’arrêter – à toute vapeur, tandis que le train de Tournai venait d’occuper la voie.

    Le brouillard épais avait empêché le machiniste du train direct de se rendre compte que la voie était obstruée ; il n’avait pas aperçu non plus le signal de distance et avait poursuivi sa marche rapide vers Bruxelles, point terminus.

    On juge du choc épouvantable qui s’est produit. Au vacarme assourdissant provoqué par la destruction du matériel succédèrent bientôt des cris de douleur, des appels, puis des plaintes, des gémissements.

    Dès samedi soir, les renseignements officiels accusaient 22 tués (nombre qui s’est élevé à 23) et une cinquantaine de blessés.

    On voit par notre gravure combien effrayante était cette scène de destruction.

    Le train 2587 était terminé par deux voitures de 3ème classe, dont à peu près toutes les places étaient occupées.

    La locomotive du 2427 a complètement franchi le plancher de la dernière voiture dont la caisse a été réduite en miettes ; puis elle est allée télescoper les huit derniers compartiments de l’avant-dernier wagon, une voiture de grande capacité dont les deux premiers compartiments sont restés intacts. La cheminée de la locomotive a été arrachée, et les toitures des deux wagons recouvraient la machine.

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à ForestLes enfants sont nombreux, parmi les victimes, ce qui s’explique par ce fait que le train tamponné devait arriver à Bruxelles vers l’heure des classes.

    On remarquera parmi les victimes, dont nous donnons aujourd’hui les portraits, le groupe des enfants Desmet, Alice et Marguerite, âgées respectivement de 15 et 17 ans, ont péri dans la catastrophe ; quant à leur jeune frère, celui-ci a échappé à la mort, parce qu’il avait pris, par extraordinaire, un train précédent.

    Chose étonnante, dans le train tamponné se trouvaient une trentaine d’élèves du collège Saint-Michel, aucun n’a été atteint. Aussi les P. P. Jésuites ont-ils célébré, mercredi dernier, une messe en action de grâce.                 

     

    Récit d’un rescapé

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à ForestUn journal de Bruxelles publie les détails que voici :

    M. Paul Bougard, de Ruysbroeck, employé à l’hôtel de ville de Bruxelles, s’était rendu samedi à Bruxelles avec son oncle, M. Pierre Van Parys, chef de bureau à l’Union du Crédit ; dans le même compartiment qu’eux avaient pris place, M. Adolphe Van Rompaye, M. Motte, la petite Christine Vandendriessche, Mlle Adèle De Prins et M. Arthur Vandevelde.

    T. Bougard occupait un coin du compartiment, juste en face de son oncle ; les autres coins étaient occupés par Mlle Adèle De Prins et M. Arthur Vandevelde. Or, chose curieuse, les quatre personnes occupant les coins ont été sauvées. Les trois autres sont mortes.

     M. Bougard raconte qu’au moment de la catastrophe, il a été simplement abasourdi. Dans le pêle-mêle général, quand il a levé la tête, il a vu au-dessus de lui les roues de la machine ; ces roues roulaient encore.

    « Je pus me dégager moi-même assez facilement, dit M. Bougard, et je passai dans le compartiment voisin qui était vide. Toute la cloison d’un wagon du côté où je me trouvais était encore debout ; je sortis en passant à travers la fenêtre et la portière et une fois sur le quai, je m’efforçai d’ouvrir la portière du compartiment où mon oncle se trouvait couché sous une banquette ; quelques personnes m’y aidèrent. Je parvins avec elles à retirer mon oncle de sa position critique ; nous retirâmes ensuites [sic] M. Arthur Vandevelde ; ce dernier avait des fractures des côtes ; mon oncle avait des contusions par tout le corps. M. Motte fut retiré mortellement blessé ; M. Van Rompaye et Christine Vandendriessche n’étaient déjà plus que des cadavres. Mlle De Prins était saine et sauve ; moi je ne me suis aperçu que plus tard que j’avais une foulure au pied et quelques égratignures à la jambe. »

     

    Un incident

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à ForestMentionnons, pour finir l’acte accompli par le chef-garde Lewuillon, du train de Mons, dont nous donnons le portrait.

    S’apercevant du brouillard qui montait près de Forest, il se tint au guet, malgré les signaux ; tout à coup, voyant devant lui le train de Tournai, il serra son frein Westinghouse si brusquement qu’une rupture d’attelage se produisit entre le tender et la locomotive qui, seule, alla se jeter sur le train de Tournai, alors que le train de Mons, conduit par le chef-garde Lewuillon, stoppait brutalement, c’est vrai, mais n’occasionnait aux 900 voyageurs qu’il contenait que des embrassades inoffensives.

    Sans cette présence d’esprit du chef-garde Lewuillon, quelle catastrophe plus épouvantable encore se serait produite, si le train complet de Mons s’était jeté à toute vitesse sur celui de Tournai ?

     

    Source : Le Patriote Illustré - 15e année - N° 9 - Edition de luxe - 26 février 1899.

     

    Le temps passe, emportant, dans sa course, les émotions les plus violentes, les adoucissant tout au moins.

    Rarement cependant catastrophe laissa dans l’esprit du public une impression plus profonde, et par conséquent, plus durable, que celle de Forest.

    A quoi l’attribuer ?

    A la sympathie sans doute qu’inspirent les victimes parmi lesquelles se trouvaient de gentilles fillettes.

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à ForestDans note précédent numéro, nous avons reproduit la scène qui suivit le tamponnement et nous avons accompagné cette scène de quelques portraits ; le public s’est intéressé surtout à ces portraits. Nous complétons aujourd’hui cette funèbre galerie par la reproduction de photographies que nous sommes encore parvenus à nous procurer.

    Parmi ces photographies, on remarquera celle de Mlle De Greef, échappée comme par miracle, à cet épouvantable écrasement. Pendant plus d’une heure, elle demeura sous la machine, au milieu des morts et des moribonds, ayant, à quelques centimètres de sa figure, une tête décapitée. L’escapée (*) se ressent vivement aujourd’hui des conséquences de la secousse.

    (*) mot qui n’est plus usité de nos jours, synonyme de « sauvée ».

     

    Source : Le Patriote Illustré - 15e année - N° 10 - Edition de luxe - 5 mars 1899.

     

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    Alice et Marguerite Desmet et leur
    frère de Ruysbroeck - 17 et 15 ans,
    mortes toutes deux. Leur frère a
    échappé à la mort parce qu'il avait
    pris un train précédent.

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

     

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest

    18 février 1899 - Des Enghiennois tués à Forest